En 2005, Marianne avait publié un dossier intitulé LES PSYS FACE À SARKOZY (Ses adversaires le disent fou, Les psys analysent le cas Sarkozy). Le diagnostic de Gertrude Dillinger, éclairé par le Dictionnaire de la psychanalyse d’Élisabeth Roudinesco (Fayard) :
Il y a au moins deux Nicolas Sarkozy. Le second tend à venger le premier. Le premier est l’enfant blessé par l’absence d’un père originaire de Hongrie, aristocrate proclamé dont le cadet mal aimé, obligé de vendre des fleurs et des glaces à Neuilly pour payer ses études, se vengera plus tard en proclamant avoir cherché en vain le prétendu château de famille.
Jacques Lacan, le psychanalyste français, a longtemps étudié la psychose à travers ce qu’il nommait « la forclusion du nom du père ». Selon lui, c’est le père qui nomme, qui incarne la loi, qui donne naissance à l’idéal du moi. Ce père-là, Nicolas Sarkozy l’a cherché en se mettant systématiquement à l’ombre et au service d’aînés puissants, Achille Peretti, Jacques Chirac, Édouard Balladur, Charles Pasqua.
Peretti meurt trop vite pour recevoir les coups de bec du pauvre petit canard de Neuilly. Les autres verront tous, à un moment ou un autre, ce « fils idéal » se transformer en carnassier.
Lacan enseignait que l’absence de père chamboule les structures du ça, du moi, du surmoi et du préconscient. Parfois jusqu’au délire de la névrose obsessionnelle. Il y a quelque chose de ce délire dans le soin que met Sarkozy à organiser ses meetings comme autant de sacres à sa gloire – la démesure du dernier congrès de l’UMP restera dans les annales.
Il y a aussi une once de délire et de folie des grandeurs dans son insolence à organiser une conférence de presse le jour du 14 juillet, presque à la même heure que la traditionnelle interview du président de la République.
On dira : il est jeune, fringuant, impatient, sans doute. Mais ce galop permanent peut être aussi le symptôme de son impuissance à situer son idéal de moi.
L’absence de père qui donne le nom, « le signifiant du nom du père » (Lacan), revient en boomerang, sous la forme d’un délire contre Dieu, qui incarne toutes les formes haïes de la paternité. Freud avait déjà souligné le caractère religieux de la névrose obsessionnelle, avatar pathologique de la religion judéo-chrétienne qui sous-tend toute la société occidentale.
Pour Sarkozy, tous ceux qui lui rappellent sa relation d’amour-haine au père et lui barrent le passage sont autant de dieux à dévorer. C’est l’enfer de Nicolas Sarkozy.
Source : Marianne N°434, du 13 au 19 août 2005 I Illustration © Catherine.