Le Sarkopithèque

LE SARKOPITHÈQUE A POUR BUT D’ARCHIVER PUIS DE RECOUPER LES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS RELATIVES AU CHEF DE L’ÉTAT, À SON GOUVERNEMENT ET À LEURS [MÉ]FAITS. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République le 6 Mai 2007, jour de la Sainte-Prudence. Voyons-y un signe, et non un hasard.

Sarkozy et la presse « d’opposition » : le désamour 12.05.08

Nicolas Sarkozy s’est fâché tout rouge contre la presse. En toile de fond, un regret : le manque de traitement, par les médias, de « l’affaire Ségolène Royal ».

Pour donner raison au président, et jouer la transparence, Le Sarkopithèque va donc s’atteler, dans les articles à venir, à relayer des affaires effectivement trop peu médiatisées concernant Nicolas Sarkozy (Fausse carte d’électeur présidentielle, Très bel appartement à Neuilly pour pas très cher, Projet d’enfouissement de l’Avenue Charles de Gaulle à Neuilly via le concours du fiston, Dépenses astronomiques à l’Élysée, Expulsions à Puteaux qui rapportent au cabinet d’avocat présidentiel…)

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SARKOZY CIBLE LE JDD, ESPÉRANDIEU VIRÉ. COÏNCIDENCE ?

Devant les députés de l’UMP réunis, le Président a hier tancé une sélection de titre de presse qui s’attribueraient « la fonction d’opposition. » En regardant le détail, Marianne, l’AFP, le JDD, l’Express et Le Parisien-Aujourd’hui en France n’ont pas été choisis par hasard…

Sarkozy peste de se voir moins beau dans ce miroir : face aux députés UMP qu’il avait réunis à l’Elysée mercredi 7 mai, le président de la République s’est lâché sur une presse moins complaisante que par le passé. Un affront, une audace : « dans un pays où il n’y a plus d’opposition, la presse s’attribue la fonction d’opposition », a-t-il lancé à la cantonade. Toute la presse, non ! Chose étonnante, des médias critiques de longue date (comme Libération) ou plus récents mais pas moins acides (comme Le Point sont passés entre les gouttes de la tempête de reproches. Dans le détail : l’AFP, le Journal du Dimanche, Le Parisien-Aujourd’hui en France, l’Express et Marianne ont été désignés à la vindicte pour « délit d’opposition ». Reste à expliquer pourquoi ceux-là et pas les autres.

L’AFP : mauvais rapporteur de communiqués de presse !

Source d’information de tous les médias, l’Agence France Presse a récemment accusée d’avoir commis un crime de lèse-UMP : suite à la condamnation de Ségolène Royal par la cour d’appel de Poitiers pour le licenciement abusif de deux anciennes attachés parlementaires, Frédéric Lefèbvre, porte-parole de l’UMP, avait émis un communiqué de presse que l’AFP avait eu l’audace de ne pas publier.

Frédéric Lefèbvre. ©DR

L’ultra-sarkozyste député des Hauts-de-Seine avait alors écrit personnellement au pdg de l’agence, Pierre Louette (que Nicolas Sarkozy avait bien connu dans les années 1990 puisqu’il faisait partie des équipes du gouvernement Balladur auquel participait l’actuel Président), pour dénoncer cette « attitude engagée », qu’il ne trouvait pas « acceptable », déchaînant l’indignation des syndicats. En tançant publiquement l’AFP, le message du président est clair : toute critique de ce qui reste d’opposition par un membre de la majorité est une information d’intérêt général !

« Le Président perd son sang-froid, juge Tristan Malle, délégué FO à l’AFP. L’AFP traite la majorité, comme tout autre sujet, de façon objective et indépendante et défendra cette conception jusqu’au bout, quelles que soient les opinions de MM. Lefèbvre et Sarkozy. » En arrière plan de ces critiques, la question du statut de l’agence ferait par ailleurs l’objet de grandes inquiétudes chez les journalistes. Coïncidence stratégique : l’attaque sarkozyienne contre l’AFP a eu lieu la veille d’un jour férié, comme le communiqué de Frédéric Lefèbvre était paru le 1er mai. Pratique pour éviter de réaction trop frontale des syndicats. Courageux les élus-communiquants, mais pas téméraires…

Le JDD

Avec le Journal du Dimanche, le Président commet une gaffe encore plus énorme : il tance cet hebdomadaire au moment même où son ex-frère Arnault Lagardère limoge le patron de la rédaction Jacques Espérandieu ! Mercredi 7 mai en effet, un communiqué laconique du groupe nous apprenait que Christian de Villeneuve le remplaçait à la tête de ce journal. Sarko a-t-il donc fait virer Espérandieu ? Sans doute pas. S’agit-il donc d’une coïncidence fortuite ? pas forcément non plus. Explication : la gueulante du président contre le JDD s’explique par deux évènements récents :

1) Voici dix jours, le Journal du Dimanche publiait une interview de François Fillon à la une. Le titre de la manchette : « Fidèle mais pas courtisan. » Le verbatim permettait de lire, horrisco referens, que le Premier ministre reconnaissait avoir des relations difficiles avec le Président : « Le Président me connaît assez pour savoir que je suis fidèle, loyal, sans être courtisan. Qu’il y ait eu, entre nous, des moments de tension compte tenu de la charge de travail qui est la nôtre, c’est normal. Qu’il y ait eu des débats préalablement à l’élaboration de positions communes, là aussi, c’est normal. » Une photo montrant les deux hommes se faisant la gueule illustrait un propos qui a sans doute déplu au Château.

2) Le deuxième motif de discorde entre l’Elysée et le JDD concerne un sondage publié le vendredi 26 avril par le site jdd.fr. Le résultat en était plutôt encourageant puisque 51% des Français interrogés avaient trouvé le Président convaincant. Mais personne n’a repris ce sondage, les médias – et en premier lieu l’AFP ayant choisi sur ce sujet de relayer l’étude Opinion Way-Le Figaro qui donnait 49% de convaincus et 51% de pas convaincus. Curieusement, les communicants de l’Elysée en ont tenu rigueur au JDD.
Mais la vraie raison de l’éviction de Jacques Epérandieu est ailleurs : depuis décembre 2006, comme l’avait écrit Marianne à l’époque, Christian de Villeneuve a demandé et obtenu de Didier Quillot, grand chef des médias du groupe Lagardère, sa tête qu’il avait déjà obtenue au Parisien. Sauf qu’à l’époque, Nicolas Sarkozy, voulant éviter une nouvelle affaire Génestar (l’ancien patron de la rédaction de Match viré quelques mois après sa une sur Cécilia et richard Attias), avait téléphone à Lagardère pour lui demander de garder l’impétrant à la tête du JDD. Apparemment, le Président n’a pas jugé bon d’intervenir cette fois-ci…

Le Parisien-Aujourd’hui en France : sondeur abusif.

Le fait de citer Le Parisien-Aujourd’hui en France parmi les organes « d’opposition » paraît quelque peu abusif à qui lit quotidiennement ce journal. Mais du point de vue élyséen, deux initiatives ne sont pas du tout passées ces derniers temps en l’occurrence deux unes récentes insistant sur l’impopularité du président.

La première (voir illustration) avait le mauvais goût de comparer Nicolas Sarkozy aux autres chef d’Etat de la Vè République qui le surclassait tous en popularité, et ce le jour même de l’intervention télévisée du 25 avril ! Ce qui explique peut-être le fait d’avoir craché sur de Gaulle et Chirac lors du même discours. L’autre titre « Sarkozy : la crise de confiance » étalait au lendemain des manifestations du 1er mai un baromètre de popularité où le Président accusait la perte de 2 points en regard des banderoles critiquant le nouveau système de retraites.

L’Express : un revirement du sarkozysme au brunisme mal digéré ?

On a cherché, réfléchi, retourné nos piles de magazine… L’Express n’a aucune raison particulière de se retrouver au panthéon des « titres d’opposition ». Pas plus d’égratignures au vernis présidentiel que ses homologues du Point et du Nouvel Observateur, pas de complément d’aigreur ou de une plus critique que les autres… La dernière une sur de Gaulle aurait-elle agacé l’orgueil du Président ? Ou bien serait-ce le fait d’avoir tourner la page du sarkozysme pour se livrer aujourd’hui à un carla brunisme frénétique ? Encore un mystère de la communication.

Marianne : la confirmation !

Depuis maintenant près de deux ans, Marianne revendique sa désapprobation face aux méthodes, aux thèses et au style de celui qui est devenu le cinquième président de la Vè République, dans les sondages comme dans la chronologie. Toute la campagne durant, Nicolas Sarkozy s’était défendu des unes critiques de Marianne, de ses analyses psychologiques ou politiques… Rien d’anormal donc, mais une seule leçon : il apparaît nécessaire à Marianne2 de redoubler d’effort afin d’atteindre, au même titre que son magazine-mère, les enfers des discours présidentiels.

Article de Philippe Cohen et Sylvain Lapoix (Marianne2) – Jeudi 08 Mai 2008.

 

64% de mauvaises opinions 28.04.08

Nicolas Sarkozy a perdu 8 points de popularité en un mois, à 32 % d’opinions favorables, et François Fillon, en baissant aussi de 8 points, rassemble une majorité d’opinions en sa défaveur, dans le baromètre BVA-L’Express rendu public lundi 28 avril.

L’étude, réalisée avant l’apparition télévisée du chef de l’Etat, jeudi, révèle que M. Sarkozy atteint 64 % de mauvaises opinions (+ 9 %), « le plus élevé jamais enregistré » depuis la création du baromètre de l’exécutif en 1981, selon le directeur de BVA. En revanche, le faible taux de bonnes opinions (32 %) a déjà été atteint par Jacques Chirac, en novembre 1995, et même dépassé par François Mitterrand en mars 1992 (31 %). Pour sa part, M. Fillon rassemble désormais une majorité de mécontents : 46 % (+ 10 points) contre 43 % de satisfaits (- 8 points).

Source : Le Monde

 

Xavier Bertrand et la maçonnerie : le faux aveu 05.03.08

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Par un habile tour de passe passe, Xavier Bertrand a réussi à faire passer la Une de « L’Express » révélant son appartenance à la franc-maçonnerie comme une opération de transparence dont il était l’initiateur. Faux ! plaide le journaliste auteur de l’enquête.

Le 21 février, L’Express fait sa une sur « Les francs-maçons et le pouvoir », avec pour premier titre « Xavier Bertrand : révélations sur un ministre « frère » ». Dans ce dossier de 9 pages, figure une petite interview du ministre du Travail, où il confirme le scoop de L’Express. Pourtant, avant même la mise en kiosques, une singulière dépêche de l’AFP travestit malicieusement la réalité en titrant : « Xavier Bertrand annonce qu’il est franc-maçon ! » Le mardi suivant, Le Monde parvient dans le même article à parler de l’« outing » de Bertrand par L’Express (ce qui est exact) et, quelques lignes plus loin, du fait que c’est le ministre qui a demandé à s’exprimer dans nos colonnes (ce qui est faux) ! Pour le quotidien du soir, le calendrier de cette révélation ne doit donc rien au hasard. (more…)

 

Nicolas et Carla à Buckingham : Le malaise 23.02.08

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Le président, la reine et le cadeau de mariage.

A Buckingham, Carla Bruni chantera-t-elle une chanson ? Et quel présent offrir à ce « jeune couple » tellement kitsch ?
Les 26, 27 et 28 mars prochain [selon Buckingham Palace], lors de la visite d’État de Nicolas Sarkozy et de sa nouvelle épouse, Carla, en Grande-Bretagne, il faudra à Sa Gracieuse Majesté tous ses talents de diplomate pour les accueillir avec le sourire. Selon un proche de la cour, leur séjour chez les Windsor n’est pas sans inquiéter la famille royale. « Sa Majesté jouera à la perfection son rôle d’hôtesse, comme toujours, mais il est indubitable que certains craignent que nous ne soyons utilisés comme décor d’exception pour le prochain épisode du soap opera du président français », me dit-on. Car les informations venues de France agacent de plus en plus Buckingham.

Dans une interview donnée récemment, Mme Sarkozy a trouvé « grisante » l’idée de sa prochaine rencontre avec la reine, avant de décrire le couple qu’elle forme avec le président français comme vivant « up tempo » [« Les amoureux, on le sait, ont leur propre temps. Le nôtre est up tempo », interview dans L’Express du 13 février 2008].

Dans une autre publication, on apprend par ailleurs qu’elle souhaiterait emporter sa guitare pour jouer à la souveraine une chanson qui dit notamment « Mon monde est meilleur quand tu es avec moi parce que tu es ma reine » . Selon mon informateur, Elisabeth II n’est pas particulièrement enthousiasmée par la récente union de Nicolas Sarkozy et a décidé de ne pas envoyer de cadeau de mariage, ce qui pourrait bien être jugé méprisant, surtout à la veille d’une visite officielle.

Dans le monde de la symbolique royale, on cogite aussi intensément sur ce que pourrait être le cadeau de bienvenue offert au président français. Comme l’explique un porte-parole, « il n’est pas dans les habitudes de la reine d’offrir des cadeaux de mariage lorsqu’elle ne connaît pas personnellement les mariés. Et nous n’avons pas encore décidé de ce que nous offririons au couple présidentiel à son arrivée à Londres. » Le premier jour sera le moment le plus délicat de la visite, la reine devant recevoir le président et la première dame pour un déjeuner privé. Ensuite, le protocole reprendra ses droits pour régir plus strictement le déroulé des événements. Et puis, si Carla finit vraiment par sortir sa guitare, au moins sait-on que Sa Majesté est passée maîtresse dans l’art d’accueillir avec courtoisie les spectacles les plus incongrus.

[Source : Article d’Olivier Marre paru dans The Observer (in Courrier International) I Illustration © Dave Brown / The Independent]

 

Carla Sarkozy Bruni Dérape À Propos Des Juifs Et De La Shoah 13.02.08

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La très sérieuse association Mémorial 98, qui combat contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l’affaire Dreyfus. Peu encline à s’épancher sur l’actualité matrimoniale du chef de l’état, elle en a pourtant été contrainte, devant les propos de la toute nouvelle Première Dame de France.

Encore une banalisation de la persécution des juifs.

Interrogée par l’Express de cette semaine sur la plainte déposée par Nicolas Sarkozy contre le site Internet du Nouvel Obs – qu’il accuse de « faux », Mme Bruni Sarkozy déclare : « La plainte justifiée de mon mari n’est pas contre un organe de presse, bien sûr, mais contre les « nouveaux moyens de désinformation ». Internet peut être la pire et la meilleure des choses. A travers son site Internet, Le Nouvel Observateur a fait son entrée dans la presse people. Si ce genre de sites avait existé pendant la guerre, qu’en aurait-il été des dénonciations de juifs ?… »
Cette déclaration pourrait n’être qu’une démonstration de narcissisme exacerbé ou une manifestation de l’absence totale du sens de la mesure ainsi qu’un signe de la confusion des esprits car elle ne provoque aucun réaction du journaliste qui réalise l’interview.

Mais il se trouve que Nicolas Sarkozy a commis il y a quelques mois un dérapage semblable, tendant à banaliser la délation envers les juifs sous le régime de Vichy, comparée et assimilée à la dénonciation de délits fiscaux.

Pour défendre la « dépénalisation du droit des affaires » (terme pudique pour l’impunité garantie aux patrons, mêmes voyous) lors de l’université d’été du Medef le 30 août dernier, il avait utilisé la formule suivante :
« A quoi sert-il d’expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, c’est une page sombre de notre histoire, et de tolérer des contrôles fiscaux sur une dénonciation anonyme, ou des enquêtes sur une dénonciation anonyme ? ». Il avait été applaudi frénétiquement par son auditoire, ravi de cette scabreuse comparaison. (Voir notre article précédent Sarkozy révise l’histoire de Vichy : nouveau dérapage)

Mémorial 98.

 

« Elève Rachida, au piquet ! » 31.10.07

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L’injonction est du Canard Enchaîné, qui publie aujourd’hui l’extrait du curriculum vitae qui figure au dossier administratif de Rachida Dati. Un CV qui indique, pour l’année 1993, « M.B.A. du groupe H.E.C. » avec la mention « ancienne élève de l’Institut supérieur des affaires ». En réalité, comme L’Express l’a révélé, la Garde Sceaux n’a jamais obtenu le diplôme. Rachida Dati l’a d’ailleurs confirmé, tout en soulignant qu’elle n’a jamais prétendu l’avoir…

Le Canard écrit que « le document (…) a provoqué un véritable branle-bas de combat (…) au ministère de la Justice », provoquant le coup de fil du porte-parole du ministère. Il a expliqué au journal que « la formule « ancien élève de l’Institut supérieur des affaires » signifiait clairement qu’elle n’avait pas obtenu le diplôme final ». Le Canard Enchaîné se demande alors pourquoi mentionner « M.B.A du groupe H.E.C. », soulignant « l’ambiguïté » cultivée par la ministre.

Une ministre qui s’est elle-même fendue d’un coup de fil au Canard pour lui reprocher de s’intéresser à son parcours en raison de ses origines. Et le journal de répondre « refrain connu. Seule solution, ne parler de la ministre qu’en termes élogieux et pratiquer la discrimination ministérielle positive. »

La question de ce « faux diplôme » n’est pas anodine. Il aurait facilité l’entrée en 1996 de Rachida Dati à l’Ecole nationale de la magistrature, qu’elle a intégrée par la voie parallèle ouverte aux personnes ayant déjà connu une expérience professionnelle.

Rachida Dati, qui nie les accusations, compte bien donner sa vérité dans le livre Je vous fais juge, qu’elle doit publier prochainement. « Je corrige quelques rumeurs ou des choses qui sont fausses. Je corrige des incorrections. Quand on parle de faux diplômes, il faut une matérialité », s’est elle défendue mardi sur Europe 1. C’était avant la publication de son CV…

Source : Libération

 

Génèse d’une symbiose 08.05.07

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Huit mois avant l’élection présidentielle en France : M. Sarkozy déjà couronné par les oligarques des médias ?

Extrait des archives du Monde Diplomatique de Septembre 2006 :

Chef du principal parti de droite, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), ministre de l’intérieur et président du conseil général du département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, l’homme s’est employé à construire depuis vingt ans un étonnant réseau d’influence dans les médias. Au service de ses ambitions suprêmes. Ce réseau a une nouvelle fois donné sa mesure pendant l’été 2006. Le nouveau livre de M. Sarkozy, Témoignage (Xo, Paris), paru en juillet, fut aussitôt salué par une couverture souriante du Point (la troisième en quatre mois) et, entre autres exemples, par un entretien d’une complaisance presque burlesque avec Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Pour l’intervieweur et patron de la radio privée appartenant au groupe Lagardère (qui comprend aussi Paris Match, Le Journal du dimanche, Elle…), M. Sarkozy a cette qualité remarquable qu’il refuse la « docilité ». Une vertu qu’on sait très prisée par M. Arnaud Lagardère, dont Jean-Pierre Elkabbach est aussi le conseiller : en juin 2006, l’éviction d’Alain Genestar, directeur de Paris Match, coupable d’avoir publié en couverture une photo de l’épouse du président de l’UMP avec son compagnon de l’époque, démontra les limites de l’indocilité permise aux médias du groupe en question. Un patron de presse limogé pour complaire à un ministre et chef de parti ? Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas connu pareille marque d’allégeance journalistique au pouvoir politique… […]

La construction d’un tel réseau n’est nullement le fruit du hasard. En 1983, lorsqu’il conquiert, à 28 ans, la mairie de Neuilly, M. Sarkozy s’attelle très vite à bâtir un cercle de relations susceptibles de favoriser son ascension politique. Sa ville, une des plus prospères de France, compte deux mille quatre cents entreprises, donc de nombreux patrons qui s’intéressent à lui en voisins ou en simples administrés, à titre personnel ou professionnel. Dès 1985, le maire crée le club Neuilly Communication, lequel compte parmi ses membres M. Gérald de Roquemaurel, président-directeur général d’Hachette Filipacchi Médias, M. Nicolas de Tavernost, président de M6, ou encore M. Arnaud de Puyfontaine, patron de Mondadori France (ex-Emap France, troisième éditeur de magazines). M. Sarkozy veille également à s’entourer de publicitaires, comme MM. Thierry Saussez, président d’Image et stratégie, Philippe Gaumont (FCB), puis Jean-Michel Goudard (le « G » d’Euro RSCG). Il fréquente enfin les grands annonceurs Philippe Charriez (Procter & Gamble) et Lindsay Owen-Jones (L’Oréal).

En juillet 1994, l’actuel président de l’UMP devient simultanément ministre de la communication et ministre du budget du gouvernement de M. Edouard Balladur, ce qui lui permit d’être à la fois le décideur politique et le pourvoyeur de fonds publics des grands groupes de médias… Mais c’est surtout sa position de porte-parole du gouvernement, puis du candidat Balladur, entre 1993 et 1995, qui l’amène à rencontrer les hommes d’influence que sont Alain Minc – lequel le conseillera dix ans plus tard à l’occasion du référendum européen – et Jean-Marie Colombani, en train de consolider leur pouvoir au Monde. M. Sarkozy s’emploie à orchestrer l’engouement médiatique en faveur de M. Balladur, dont M. Minc est un des partisans déclarés, et à présenter son élection comme acquise. Il bénéficie à cette fin de l’appui du sondeur Jérôme Jaffré, alors directeur général de la Sofres. Le 22 mars 1995, Le Monde titre en « une » : « Mr. et Mme Chirac ont tiré profit d’une vente de terrains au Port de Paris ». L’information émane de la direction du budget chapeautée par… M. Sarkozy.

Déjà en 1995, M. Sarkozy a choisi le mauvais camp. Qu’importe, il profite de son ascension-éclair pour imposer son style et son image. En mai 1993, une spectaculaire prise d’otages dans une maternelle de Neuilly le fait connaître des téléspectateurs. « Il était toujours devant les caméras, sans parler, rappelle Jean-Pierre About, rédacteur en chef au service enquête de TF1. Mais le lendemain, lorsque HB [Human Bomb, nom donné au preneur d’otages] a pris une balle, il avait disparu du dispositif. Un coup de maître, puisqu’il n’est pas lié à la polémique sur l’opportunité de tuer le ravisseur qui a suivi (1). » Cette technique dite du « mouvement permanent », qui consiste à se saisir de l’actualité immédiate pour apparaître à son avantage dans les médias, puis à foncer sur un autre événement, constitue la marque de fabrique de M. Sarkozy.

« Je sais ce qui se passe dans vos rédactions »

En 2002, après la campagne présidentielle, un premier passage au ministère de l’intérieur lui permet de systématiser cette méthode de communication. TF1, dont les journaux télévisés mettent en scène un climat d’insécurité, se fait le relais zélé de la riposte ministérielle. Le 22 mai 2002, une intervention à Strasbourg du groupe d’intervention régional, à l’occasion de laquelle l’homme politique se fait omniprésent, donne le ton. TF1 évoque alors la saisie d’« armes de guerre » : deux pistolets, quatre caméscope, trois ordinateurs et deux appareils photo numériques (2)… Très vite, le ministre devient l’unique émetteur de la parole policière. En novembre 2005, les émeutes dans les banlieues illustrent ce basculement. Une cellule de communication est installée Place Beauvau et, dorénavant, l’information officielle passe par le prisme du ministre de l’intérieur. Lequel – « Kärcher », « racaille » – aime jouer les pompiers pyromanes.

Dépendants de sa parole, les médias en sont aussi les dépositaires. A l’évidence, M. Sarkozy a une faconde et un style imagé qui leur plaisent. « C’est le nouveau présentateur du JT de 20 heures », ironise M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, en guise de décompte des apparitions du ministre dans les journaux télévisés. Aucun homme politique n’a été, comme lui, trois fois l’invité de l’émission « 100 minutes pour convaincre » de France 2. Chaque fois, l’audience est au rendez-vous (entre 4 et 6 millions de téléspectateurs).

Son adresse oratoire doit beaucoup aux « ficelles » du métier d’avocat : recours emphatique aux formules interrogatives et aux anaphores (« Parce que vous croyez que… »), effets de sidération par les images (« On ne peut pas violer impunément une adolescente dans une cave »), posture du « parler vrai » et populaire (« Moi, j’essaye d’être compris des gens »)… La séduction joue auprès des journalistes. « Il a une manière de poser les questions qui fait qu’on est toujours d’accord avec la réponse. On fait un peu office de sparring partner (…), avoue Thomas Lebègue, journaliste à Libération. Il voit comment les arguments passent auprès des journalistes avant de les diffuser à grande échelle (3). » Fût-il ministre de l’intérieur, un poste qui ne garantit pas d’ordinaire une grande popularité chez les journalistes, un homme qui montre qu’il adore les médias et qui se prête à leur jeu de l’image ne saurait être mauvais…

Cette idylle s’exprime en chiffres : depuis son retour Place Beauvau, en mai 2005, M. Sarkozy a eu droit à une moyenne mensuelle de 411 articles, contre 220 pour M. Dominique de Villepin lorsqu’il exerçait les mêmes fonctions (4). L’homme a compris comment amadouer ce que la presse est devenue. Ministre du budget ou des finances, il s’est gardé de toucher à l’abattement fiscal contesté des journalistes (7 650 euros par an déductibles du revenu imposable). Simultanément, il a pris des positions très libérales sur la défiscalisation des entreprises, l’impôt sur la fortune ou les droits de succession. Elles ne peuvent que satisfaire ces magnats-héritiers que sont MM. Lagardère, Bouygues, Dassault, Edouard de Rothschild, etc. (5).

« Un journaliste qui me critique est un journaliste qui ne me connaît pas », a coutume de dire M. Sarkozy. N’est-il pas d’ailleurs une sorte de confrère, lui qui rêva un temps de devenir présentateur du « 20 heures » ? En 1995, quand il publie sous pseudonyme une série d’articles intitulée « Lettres de mon château », dans Les Echos, il montre qu’il s’intéresse autant à la vie des médias qu’à la politique. Du coup, l’homme a l’habitude de valoriser les journalistes, de s’intéresser aux nouvelles recrues. De les tutoyer aussi, comme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, ou Jean-Marie Colombani. Dans ce dernier cas, Edwy Plenel s’en déclara troublé… mais en mars 2006, six mois après avoir quitté la rédaction du Monde. En 2003, au moment de la sortie du livre de Pierre Péan et de Philippe Cohen consacré au quotidien du soir, le même avait néanmoins sollicité le conseil du ministre dans son bureau de la place Beauvau (6).

Sarkozy sait également se rendre disponible auprès de journalistes moins chevronnés. Il impose d’ailleurs à son conseiller à la presse, M. Franck Louvrier, de ne jamais laisser un appel sans réponse. Mais gare à ceux qui pourraient être tentés de faire dissidence. « Je sais tout ce qui se passe dans vos rédactions », lance-t-il un jour de janvier 1995 à des reporters lors d’un déplacement dans le Nord (7). De fait, il peut compter sur Jean-Pierre Elkabbach pour être consulté quand Europe 1 envisage de recruter un journaliste chargé de suivre l’UMP (8). Ou sur M. Bouygues : c’est ainsi M. Sarkozy qui, avant un voyage délicat aux Antilles, annonce – y compris à la rédaction de TF1 – qu’un journaliste noir, Harry Roselmack, prendra les rênes de la présentation du « 20 heures » pendant l’été 2006.

Le président de l’UMP dispose à présent des cartes lui permettant d’espérer l’épilogue présidentiel de cette puissante orchestration médiatique. Peu importe qu’il se trompe ou qu’il se contredise dès lors que nul ou presque dans la presse ne le souligne. Le 25 janvier 2006, il estime, par exemple, que le contrat première embauche (CPE) constitue « une très bonne mesure pour l’emploi de jeunes ». Six mois plus tard, il se ravise : « J’étais persuadé que le CPE serait vécu comme injuste pour la raison simple qu’il l’était. » En juillet dernier, il approuve chaudement les bombardements et les préparatifs d’invasion du Liban sud : « Israël se défend » (Europe 1, 18 juillet). Plus tard, il se déclarera néanmoins d’accord avec le président de la République, assurément plus réservé sur le sujet.

De même qu’il a séduit nombre d’acteurs, de chanteurs et de stars du show-business (Jean Reno, Christian Clavier, Johnny Hallyday, etc.), M. Sarkozy parvient à être apprécié de journalistes réputés de gauche. M. Saussez s’en félicite : « Il a une bonne image chez des gens qui n’ont pas ses opinions : c’est très nouveau (9). » Naviguant entre la clémence relative, avec l’abrogation de la double peine, et la répression, avec la nouvelle loi sur l’immigration, le président de l’UMP offre à chacun motif à se laisser séduire. « Il considère que son rôle est de convaincre. Et d’abord les journalistes », concède son fidèle lieutenant, le ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux (10).

Si ces derniers constituent bien la cible de M. Sarkozy, c’est qu’ils vont ensuite relayer une image susceptible de prospérer dans des cercles influents, lesquels eux-mêmes influenceront d’autres cercles concentriques dans leur entreprise, leur club de sport, leur voisinage… sans être nécessairement un vecteur d’opinion direct, les médias comptent auprès de ceux qui pensent que les médias influencent le public.

En tout cas, M. Sarkozy a le temps et l’occasion de s’exprimer. Le matin sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach lui octroie couramment vingt minutes supplémentaires d’entretien ; LCI, filiale de TF1, retransmet en direct ses vœux à la presse ; il fait la couverture de TV Magazine, ce supplément du Figaro diffusé auprès de cinq millions de lecteurs potentiels, à l’occasion d’un entretien sur Canal+ avec son ami Michel Denisot, déjà coauteur d’un livre avec le ministre. Quant à sa relation avec son épouse, Cécilia, elle fait le bonheur de la presse « people » (Gala, Paris Match…) chaque fois qu’elle sert les intérêts du présidentiable, mais provoque désormais l’autocensure, voire la censure, sitôt qu’elle cesse d’être à son avantage. Ainsi, lorsqu’une journaliste de Gala, Valérie Domain, décida en 2005 d’écrire un livre qui n’agréait pas à M. Sarkozy, Entre le cœur et la raison, l’éditeur – M. Vincent Barbare – fut convoqué Place Beauvau.

Une inhabituelle passion

La volonté de contrôler les médias peut être assez naturelle chez un responsable politique. Plus inhabituelle est la passion d’une communauté de dirigeants de médias et de journalistes (Denis Jeambar, qui vient de quitter la direction de L’Express pour celle des éditions du Seuil, et Franz-Olivier Giesbert, président-directeur général du Point, par exemple) à lui servir de relais. Encouragés par l’aura dont bénéficie le présidentiable auprès de leur propriétaire ou de leurs annonceurs, ils surestiment sans doute la séduction qu’il exerce et ils occultent trop volontiers l’échec de sa politique, par exemple sur le terrain des violences aux personnes (elles ont officiellement augmenté de 12 % entre mai 2002 et avril 2006). Inversement, quand les mêmes faiseurs d’opinion soulignent la médiocrité du bilan de M. de Villepin, ils font mine d’oublier que M. Sarkozy est un des principaux ministres de son gouvernement. Et que la querelle entre les deux hommes constitue aussi un moyen artificiel de permettre à la droite de s’offrir une alternative à elle-même.

En rebondissant sans cesse sur l’actualité, M. Sarkozy teste des idées qu’il calibre empiriquement en fonction de l’écho médiatique qu’elles reçoivent. Son objectif est de construire ainsi une légitimité cathodique et de demeurer au zénith des instituts de sondage avec une autorité conférée par les « unes » plutôt que par les urnes. Sur ce point précis, certains candidats socialistes, dont Mme Ségolène Royal, ne se comportent pas toujours différemment. Pour expliquer qu’elle ait, à son tour, décidé de s’installer sous les feux de la rampe, un conseiller de la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes admet : « La présence médiatique donne l’apparence de l’action. On a décidé de faire comme Nicolas Sarkozy, on prend toutes les occasions. On cannibalise tout (11). »

Dans le cas du ministre de l’intérieur, tout le monde – ou presque – y trouve son compte, tant que le « produit » se vend : « C’est le seul homme politique dont les régies publicitaires sont contentes quand il fait la couverture », avance M. Jérôme Peyrat, directeur général de l’UMP (12). Ce genre de considération n’est pas sans importance dans la presse, compte tenu du déclin de sa diffusion. Quant aux Français, ils auront bientôt à se prononcer sur le profit qu’ils retirent de l’exposition avantageuse d’un homme entièrement tourné vers la satisfaction de son ambition et de son clan.

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