Le Sarkopithèque

LE SARKOPITHÈQUE A POUR BUT D’ARCHIVER PUIS DE RECOUPER LES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS RELATIVES AU CHEF DE L’ÉTAT, À SON GOUVERNEMENT ET À LEURS [MÉ]FAITS. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République le 6 Mai 2007, jour de la Sainte-Prudence. Voyons-y un signe, et non un hasard.

Composition du Gouvernement 14.11.10

 

M. Sarkozy a précisé les critères qui seraient retenus pour compléter le gouvernement. Ils devront :

« répondre à des critères de diversité […] par leurs origines territoriales, leurs origines politiques et être représentatifs de la France multiple ».

Illustration : Luz

 

GOUVERNEMENT FILLON III

[14 NOVEMBRE 2010]

Sur la proposition du Premier ministre, le président de la République a nommé, le 14 novembre 2010, neuf nouveaux ministres. Quinze ministres quittent le Gouvernement. La nouvelle équipe gouvernementale se compose de 31 membres : le Premier ministre, 2 ministres d’État, 13 ministres de plein exercice, 7 ministres auprès d’un ministre et 8 secrétaires d’État.

François FILLON Premier ministre.

M. Alain Juppé, ministre d’Etat, ministre de la défense et des anciens combattants ;

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes ;

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement ;

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication ;

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;

M. Maurice Leroy, ministre de la ville ;

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports ;

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ;

M. Eric Besson, ministre auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération ;

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales ;

M. Laurent Wauquiez, ministre auprès de la ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes ;

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer ;

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce extérieur ;

Mme Nora Berra, secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé ;

M. Benoist Apparu, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement ;

M. Georges Tron, secrétaire d’Etat auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, chargé de la fonction publique ;

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;

M. Thierry Mariani, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports ;

M. Frédéric Lefèbvre, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.

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C’était pire demain 19.10.08

C’ÉTAIT PIRE DEMAIN

 

L’appel du Réseau Éducation Sans Frontière 10.10.08

LES DROITS DES ÉTRANGERS NE PEUVENT SE RÉDUIRE À UN MARCHÉ

1) Il est de la plus grande importance d’empêcher M. Hortefeux de transformer les CRA en centres de relégation administrative devant lesquels il serait interdit de se rendre et d’où ne sortirait plus aucun écho de ce qui s’y passe. Il faut signer la pétition suivante et protester.

Une version (pdf) permettant la signature papier de la pétition est disponible sur le site du réseau http://www.educationsansfrontieres.org/ et imprimable. Les feuilles signées sont à retourner à RESF, 8 impasse Crozatier 75012 Paris.

2) De nombreux indices montrent que le gouvernement voudrait faire taire ceux qui critiquent la politique du ministère de la Rafle et du Drapeau. Il faut donc être poli et/ou astucieux quand on s’adresse aux ministres ou aux préfets pour ne pas encourir les poursuites que, semble-t-il, certains rêvent d’engager.

3) L’édition 2008 du Guide pratique et juridique du RESF « Jeunes scolarisés et parents sans papiers, Régularisation mode d’emploi » est parue. 100 pages, Téléchargement ou bon de commande exemplaire papier (5 €, frais d’envoi compris, chèque à l’ordre de RESF) : http://resf.info/guide.

Le texte de la pétition pour le retrait de la réforme ministérielle qui modifie les conditions d’intervention de la société civile dans les centres de rétention administrative :

Nous signataires, à la suite de nombreuses associations, exprimons notre préoccupation concernant le contenu du décret du 22 août 2008 et de l’appel d’offres consécutif qui modifient les conditions d’intervention dans les centres de rétention administrative (CRA) quant à l’a et l’aide à l’exercice des droits des étrangers.
La mission telle qu’exercée jusqu’à ce jour par la Cimade auprès des étrangers retenus dans les CRA afin « de les informer et de les aider à exercer leurs droits » sera remise en cause par ces nouvelles dispositions :
– la réforme dénature la mission car l’assistance à l’exercice effectif des droits des personnes retenues est désormais réduite à une seule mission d’information ;
– l’émiettement de cette mission contrarie toute observation, analyse et réaction d’ensemble sur la situation prévalant dans les centres de rétention. Il entrainerait, outre une inégalité de traitement, une réduction de la qualité de l’aide apportée aux étrangers ;
– l’ouverture de cette mission par voie d’appel d’offres de marchés publics à des opérateurs autres que les associations spécialisées menace l’exercice des droits fondamentaux des personnes retenues ;
– l’exigence de neutralité, de discrétion et de confidentialité revient à entraver toute parole publique de témoignage et d’alerte sur certaines situations contraires au respect des droits fondamentaux.
Cette volonté d’entraver l’action de la société civile est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient dans un contexte marqué par une politique du chiffre en matière d’éloignement des étrangers et les menaces contenues dans la directive « retour » adoptée par le Parlement européen.
Nous, signataires, considérons que, telle qu’elle est envisagée, la réforme des conditions d’intervention en rétention n’est pas acceptable.
Nous exigeons du gouvernement de renoncer à sa réforme.
Nous demandons au gouvernement d’’engager une concertation avec l’ensemble des organisations qui dans notre pays sont attachées au respect des droits des étrangers.

 

Centres de rétention : L’aide associative morcelée.

Centres de rétention : « Le décret interdit aux associations de travailler ensemble« .

A l’issue d’une assemblée générale extraordinaire réunie samedi 4 octobre à Paris, la Cimade s’est dite « déterminée à poursuivre son action de défense des étrangers en rétention« . Mais elle demande au ministre de l’immigration, Brice Hortefeux, de modifier le décret du 22 août réformant le dispositif d’aide aux personnes placées dans les centres de rétentions administratives (CRA) et l’appel d’offres qui a suivi le 28 août.

Souhaitant en finir avec le « monopole » d’intervention de la Cimade dans les CRA, le ministère a renoncé à maintenir une mission d’aide d’ensemble qui serait assurée en concertation par plusieurs associations, choisissant d’éclater la mission en huit lots distincts attribués à des prestataires de services. « Refusant ce morcellement » qui, selon elle, remettrait en cause le rôle de contrôle, la Cimade va rechercher, avec d’autres associations, les moyens de mettre en oeuvre une « mission nationale cohérente assumée conjointement. »

La Cimade a-t-elle décidé d’engager un bras de fer avec le gouvernement ?

La Cimade a toujours été ouverte au dialogue et au compromis. Il y a eu des incompréhensions avec le ministre. Celui-ci a apporté des clarifications récemment qui peuvent permettre de trouver une solution qui convienne à tous, à condition que le dispositif juridique soit corrigé.

Sur quoi persiste le différend ?

Le ministre dit souhaiter que la Cimade poursuive son action en rétention, dans le cadre d’une mission dont il dit ne pas vouloir modifier la nature : défense des droits et témoignage de la société civile. Il souhaite que cette mission soit partagée entre plusieurs associations pour renforcer l’aide aux étrangers et permettre une pluralité de l’expression des ONG. La Cimade approuve tout cela, elle l’a dit et confirmé samedi. Le problème est que le décret et l’appel d’offres interdisent aux associations de travailler réellement ensemble. Comment vouloir la diversité et l’interdire dans le travail quotidien ?

Qu’attendez-vous concrètement ?

Comme le demandent de très nombreuses associations, le décret doit être modifié pour permettre le travail conjoint des ONG, aussi bien nationalement que dans un CRA. Une phrase du décret doit être pour cela supprimée. Ensuite, l’appel d’offres doit être réécrit car il contredit les affirmations du ministre. Ces corrections prendraient au plus quelques semaines : ce n’est rien s’il y a une volonté commune d’aboutir à un dispositif cohérent et acceptable par tous.

Article : Le Monde 07.10.08 I Illustration © Charb

 

« Nous assistons à l’avènement d’une xénophobie d’État » 02.03.08

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« Les incidents au centre de rétention de Vincennes ne sont pas des bavures, ce sont des violences structurelles » estime Olivier Le Cour Grandmaison*, enseignant en sciences politiques à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne. « Désormais il est assumé au plus haut niveau de l’Etat que l’étranger en situation irrégulière est une source de troubles et de maux. La traque, l’arrestation et l’expulsion deviennent donc une priorité nationale » analyse-t-il.

Vous parlez d’un « retour des camps » qu’est-ce qui vous permet aujourd’hui d’utiliser ce terme ? N’est-il pas trop chargé, excessif ou délicat par rapport à la mémoire des disparus des camps, ceux de la Shoah notamment ?

Olivier Le Cour Grandmaison. « Ce type de camp n’a bien sûr rien à voir avec les camps de concentration, où le propre de l’interné n’est pas seulement d’être privé de sa liberté, mais également d’être massivement exposé à des tortures et à une mort de masse permanente. Il est pourtant tout à fait adéquat de parler de camp pour désigner les structures dans lesquelles sont aujourd’hui internés en masse des étrangers en situation irrégulière et destinés à être – selon la formule consacrée – renvoyés dans leur pays d’origine. Ça ne me paraît pas excessif. Le camp ne se reconnaît pas à l’image qu’on en a coutumièrement, c’est-à-dire les barbelés, miradors et une lumière blafarde et sinistre. Des lieux très hétérogènes peuvent être effectivement transformés en camp, s’il est possible rapidement d’y parquer un nombre relativement important d’individus en exerçant sur eux un contrôle très strict. Dernièrement à Roissy, des hôtels, des salles d’attentes pour voyageurs normalement, des gares… sont devenus des camps. Le point commun de tous ces lieux, c’est la technique répressive utilisée : l’internement administratif. Il s’agit de priver quelqu’un de sa liberté non sur la base d’un jugement prononcé par un tribunal, mais en vertu d’une décision prise par une autorité administrative. Désormais, nous, et c’est un « nous » collectif, considérons comme normal le fait d’interner des étrangers en situation irrégulière, en oubliant complètement que lorsque cette technique a été utilisée dans l’Algérie coloniale par exemple, les contemporains la considéraient comme un procédé extraordinaire au regard du droit commun. Nous assistons aujourd’hui à une extraordinaire banalisation. À droite comme à gauche (pour ce qui est de la gauche parlementaire), l’enfermement des étrangers apparaît comme la solution adéquate. Il existe évidemment plusieurs désaccords concernant les modalités d’application et le traitement infligé, mais il existe un consensus sur la technique. Mais pourquoi estimer normal que, pour le simple fait d’entrer irrégulièrement sur le territoire national, des hommes et des femmes puissent être privés de leur liberté ?

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Brice Hortefeux 01.09.07

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MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DE L’INTEGRATION, DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE.

« Le premier groupie. Brice Hortefeux a été ébloui à l’adolescence par un discours de Sarkozy devant les jeunes gaullistes. Il s’est mis à son service, devenant indispensable. Dans la campagne, il a souffert d’une fatwa de Cécilia, qui n’a jamais admis sa proximité avec son mari. Il reste le vrai compagnon du nouveau président. » (1) (more…)

 

les grandes lignes du projet de loi sur l’immigration 24.05.07

Le projet de loi sur l’immigration durcit les obligations d’intégration et de maîtrise du Français pour les candidats à l’immigration familiale. Les revenus nécessaires pour faire venir sa famille devraient aussi être augmentés : ils seraient « indexés » sur la taille de la famille.

Par ailleurs, l’étranger qui veut venir en France dans ce cadre devra participer à une « évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République ». Le cas échéant, il devrait suivre « une formation d’une durée maximale de deux mois » avant de pouvoir demander un visa long séjour puis le regroupement familial.

Le projet de loi entend également créer un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille » qui oblige les parents à veiller à « la bonne intégration de leurs enfants nouvellement arrivés en France ». En cas de « non-respect manifeste du contrat », le préfet peut saisir le juge des enfants, qui peut décider de faire verser les allocations familiales « à un tiers ».

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Hortefeux veut traiter la question de l’immigration avec « fermeté et humanisme ».

En déplacement à Toulouse, Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale a redit jeudi sa volonté de traiter la question de l’immigration avec « fermeté et humanisme ». Après une visite au service d’accueil des étrangers de la préfecture de la Haute-Garonne, le ministre s’est rendu dans l’après-midi à la délégation régionale de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (Anaem) où il a rappelé que « la politique qu’entend mener le gouvernement repose sur deux piliers très clairs: la fermeté et l’humanisme ». « C’est l’un et l’autre, l’un avec l’autre, ce n’est pas l’un sans l’autre », a précisé M. Hortefeux en rappelant plus tard « la nécessité d’une très grande fermeté dans la lutte contre l’immigration illégale » tout en envisageant « du cas par cas ».

Interrogé sur la reconduite à la frontière d’ici la fin de l’année scolaire de familles expulsables mais dont les enfants sont scolarisés, le ministre a déclaré qu’il y répondrait « dans un autre cadre ». Avant de se rendre au Centre de rétention administratif de Cornebarrieu, dans l’agglomération toulousaine, M. Hortefeux a jugé « inacceptables » et « condamnables » les incidents qui se sont produits en matinée dans une banlieue de Toulouse au cours d’une interpellation. Lors d’une « opération de routine » sur le marché de la Reynerie, trois policiers ont été blessés au cours de l’interpellation d’un vendeur d’articles de contrefaçon. Cet homme, un Tunisien en situation irrégulière selon la police, s’était alors débattu, soutenu par plusieurs personnes qui ont pris à partie les trois fonctionnaires. Une femme policier a été blessée à l’oeil et présente des « commotions au visage ». Ses deux collègues sont légèrement blessés.
« Il faut que les procédures s’engagent pour le reconduire dans son pays, ce qui ne l’exonère pas d’une peine d’emprisonnement », « d’une sanction pour outrage et rébellion », a dit M. Hortefeux.

Source : Associated Press- Jeudi 24 mai 2007, 18h34

 

Jean Sarkozy : La Voix de Son Père 14.05.07

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Fils cadet de Nicolas Sarkozy I Filleul de Brice Hortefeux.

Une crinière blonde comme les princes Casiraghi et du sang politique dans les veines. Jean Sarkozy, c’est Monaco à l’UMP. En lâchant David Martinon, le fils cadet du Président a fait à 21 ans une entrée fracassante en politique. Venu, disait-il, en simple « militant » renforcer la campagne flageolante de David Martinon, le voilà trois semaines plus tard nettoyeur au grand sourire. (more…)

 

Génèse d’une symbiose 08.05.07

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Huit mois avant l’élection présidentielle en France : M. Sarkozy déjà couronné par les oligarques des médias ?

Extrait des archives du Monde Diplomatique de Septembre 2006 :

Chef du principal parti de droite, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), ministre de l’intérieur et président du conseil général du département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, l’homme s’est employé à construire depuis vingt ans un étonnant réseau d’influence dans les médias. Au service de ses ambitions suprêmes. Ce réseau a une nouvelle fois donné sa mesure pendant l’été 2006. Le nouveau livre de M. Sarkozy, Témoignage (Xo, Paris), paru en juillet, fut aussitôt salué par une couverture souriante du Point (la troisième en quatre mois) et, entre autres exemples, par un entretien d’une complaisance presque burlesque avec Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Pour l’intervieweur et patron de la radio privée appartenant au groupe Lagardère (qui comprend aussi Paris Match, Le Journal du dimanche, Elle…), M. Sarkozy a cette qualité remarquable qu’il refuse la « docilité ». Une vertu qu’on sait très prisée par M. Arnaud Lagardère, dont Jean-Pierre Elkabbach est aussi le conseiller : en juin 2006, l’éviction d’Alain Genestar, directeur de Paris Match, coupable d’avoir publié en couverture une photo de l’épouse du président de l’UMP avec son compagnon de l’époque, démontra les limites de l’indocilité permise aux médias du groupe en question. Un patron de presse limogé pour complaire à un ministre et chef de parti ? Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas connu pareille marque d’allégeance journalistique au pouvoir politique… […]

La construction d’un tel réseau n’est nullement le fruit du hasard. En 1983, lorsqu’il conquiert, à 28 ans, la mairie de Neuilly, M. Sarkozy s’attelle très vite à bâtir un cercle de relations susceptibles de favoriser son ascension politique. Sa ville, une des plus prospères de France, compte deux mille quatre cents entreprises, donc de nombreux patrons qui s’intéressent à lui en voisins ou en simples administrés, à titre personnel ou professionnel. Dès 1985, le maire crée le club Neuilly Communication, lequel compte parmi ses membres M. Gérald de Roquemaurel, président-directeur général d’Hachette Filipacchi Médias, M. Nicolas de Tavernost, président de M6, ou encore M. Arnaud de Puyfontaine, patron de Mondadori France (ex-Emap France, troisième éditeur de magazines). M. Sarkozy veille également à s’entourer de publicitaires, comme MM. Thierry Saussez, président d’Image et stratégie, Philippe Gaumont (FCB), puis Jean-Michel Goudard (le « G » d’Euro RSCG). Il fréquente enfin les grands annonceurs Philippe Charriez (Procter & Gamble) et Lindsay Owen-Jones (L’Oréal).

En juillet 1994, l’actuel président de l’UMP devient simultanément ministre de la communication et ministre du budget du gouvernement de M. Edouard Balladur, ce qui lui permit d’être à la fois le décideur politique et le pourvoyeur de fonds publics des grands groupes de médias… Mais c’est surtout sa position de porte-parole du gouvernement, puis du candidat Balladur, entre 1993 et 1995, qui l’amène à rencontrer les hommes d’influence que sont Alain Minc – lequel le conseillera dix ans plus tard à l’occasion du référendum européen – et Jean-Marie Colombani, en train de consolider leur pouvoir au Monde. M. Sarkozy s’emploie à orchestrer l’engouement médiatique en faveur de M. Balladur, dont M. Minc est un des partisans déclarés, et à présenter son élection comme acquise. Il bénéficie à cette fin de l’appui du sondeur Jérôme Jaffré, alors directeur général de la Sofres. Le 22 mars 1995, Le Monde titre en « une » : « Mr. et Mme Chirac ont tiré profit d’une vente de terrains au Port de Paris ». L’information émane de la direction du budget chapeautée par… M. Sarkozy.

Déjà en 1995, M. Sarkozy a choisi le mauvais camp. Qu’importe, il profite de son ascension-éclair pour imposer son style et son image. En mai 1993, une spectaculaire prise d’otages dans une maternelle de Neuilly le fait connaître des téléspectateurs. « Il était toujours devant les caméras, sans parler, rappelle Jean-Pierre About, rédacteur en chef au service enquête de TF1. Mais le lendemain, lorsque HB [Human Bomb, nom donné au preneur d’otages] a pris une balle, il avait disparu du dispositif. Un coup de maître, puisqu’il n’est pas lié à la polémique sur l’opportunité de tuer le ravisseur qui a suivi (1). » Cette technique dite du « mouvement permanent », qui consiste à se saisir de l’actualité immédiate pour apparaître à son avantage dans les médias, puis à foncer sur un autre événement, constitue la marque de fabrique de M. Sarkozy.

« Je sais ce qui se passe dans vos rédactions »

En 2002, après la campagne présidentielle, un premier passage au ministère de l’intérieur lui permet de systématiser cette méthode de communication. TF1, dont les journaux télévisés mettent en scène un climat d’insécurité, se fait le relais zélé de la riposte ministérielle. Le 22 mai 2002, une intervention à Strasbourg du groupe d’intervention régional, à l’occasion de laquelle l’homme politique se fait omniprésent, donne le ton. TF1 évoque alors la saisie d’« armes de guerre » : deux pistolets, quatre caméscope, trois ordinateurs et deux appareils photo numériques (2)… Très vite, le ministre devient l’unique émetteur de la parole policière. En novembre 2005, les émeutes dans les banlieues illustrent ce basculement. Une cellule de communication est installée Place Beauvau et, dorénavant, l’information officielle passe par le prisme du ministre de l’intérieur. Lequel – « Kärcher », « racaille » – aime jouer les pompiers pyromanes.

Dépendants de sa parole, les médias en sont aussi les dépositaires. A l’évidence, M. Sarkozy a une faconde et un style imagé qui leur plaisent. « C’est le nouveau présentateur du JT de 20 heures », ironise M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, en guise de décompte des apparitions du ministre dans les journaux télévisés. Aucun homme politique n’a été, comme lui, trois fois l’invité de l’émission « 100 minutes pour convaincre » de France 2. Chaque fois, l’audience est au rendez-vous (entre 4 et 6 millions de téléspectateurs).

Son adresse oratoire doit beaucoup aux « ficelles » du métier d’avocat : recours emphatique aux formules interrogatives et aux anaphores (« Parce que vous croyez que… »), effets de sidération par les images (« On ne peut pas violer impunément une adolescente dans une cave »), posture du « parler vrai » et populaire (« Moi, j’essaye d’être compris des gens »)… La séduction joue auprès des journalistes. « Il a une manière de poser les questions qui fait qu’on est toujours d’accord avec la réponse. On fait un peu office de sparring partner (…), avoue Thomas Lebègue, journaliste à Libération. Il voit comment les arguments passent auprès des journalistes avant de les diffuser à grande échelle (3). » Fût-il ministre de l’intérieur, un poste qui ne garantit pas d’ordinaire une grande popularité chez les journalistes, un homme qui montre qu’il adore les médias et qui se prête à leur jeu de l’image ne saurait être mauvais…

Cette idylle s’exprime en chiffres : depuis son retour Place Beauvau, en mai 2005, M. Sarkozy a eu droit à une moyenne mensuelle de 411 articles, contre 220 pour M. Dominique de Villepin lorsqu’il exerçait les mêmes fonctions (4). L’homme a compris comment amadouer ce que la presse est devenue. Ministre du budget ou des finances, il s’est gardé de toucher à l’abattement fiscal contesté des journalistes (7 650 euros par an déductibles du revenu imposable). Simultanément, il a pris des positions très libérales sur la défiscalisation des entreprises, l’impôt sur la fortune ou les droits de succession. Elles ne peuvent que satisfaire ces magnats-héritiers que sont MM. Lagardère, Bouygues, Dassault, Edouard de Rothschild, etc. (5).

« Un journaliste qui me critique est un journaliste qui ne me connaît pas », a coutume de dire M. Sarkozy. N’est-il pas d’ailleurs une sorte de confrère, lui qui rêva un temps de devenir présentateur du « 20 heures » ? En 1995, quand il publie sous pseudonyme une série d’articles intitulée « Lettres de mon château », dans Les Echos, il montre qu’il s’intéresse autant à la vie des médias qu’à la politique. Du coup, l’homme a l’habitude de valoriser les journalistes, de s’intéresser aux nouvelles recrues. De les tutoyer aussi, comme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, ou Jean-Marie Colombani. Dans ce dernier cas, Edwy Plenel s’en déclara troublé… mais en mars 2006, six mois après avoir quitté la rédaction du Monde. En 2003, au moment de la sortie du livre de Pierre Péan et de Philippe Cohen consacré au quotidien du soir, le même avait néanmoins sollicité le conseil du ministre dans son bureau de la place Beauvau (6).

Sarkozy sait également se rendre disponible auprès de journalistes moins chevronnés. Il impose d’ailleurs à son conseiller à la presse, M. Franck Louvrier, de ne jamais laisser un appel sans réponse. Mais gare à ceux qui pourraient être tentés de faire dissidence. « Je sais tout ce qui se passe dans vos rédactions », lance-t-il un jour de janvier 1995 à des reporters lors d’un déplacement dans le Nord (7). De fait, il peut compter sur Jean-Pierre Elkabbach pour être consulté quand Europe 1 envisage de recruter un journaliste chargé de suivre l’UMP (8). Ou sur M. Bouygues : c’est ainsi M. Sarkozy qui, avant un voyage délicat aux Antilles, annonce – y compris à la rédaction de TF1 – qu’un journaliste noir, Harry Roselmack, prendra les rênes de la présentation du « 20 heures » pendant l’été 2006.

Le président de l’UMP dispose à présent des cartes lui permettant d’espérer l’épilogue présidentiel de cette puissante orchestration médiatique. Peu importe qu’il se trompe ou qu’il se contredise dès lors que nul ou presque dans la presse ne le souligne. Le 25 janvier 2006, il estime, par exemple, que le contrat première embauche (CPE) constitue « une très bonne mesure pour l’emploi de jeunes ». Six mois plus tard, il se ravise : « J’étais persuadé que le CPE serait vécu comme injuste pour la raison simple qu’il l’était. » En juillet dernier, il approuve chaudement les bombardements et les préparatifs d’invasion du Liban sud : « Israël se défend » (Europe 1, 18 juillet). Plus tard, il se déclarera néanmoins d’accord avec le président de la République, assurément plus réservé sur le sujet.

De même qu’il a séduit nombre d’acteurs, de chanteurs et de stars du show-business (Jean Reno, Christian Clavier, Johnny Hallyday, etc.), M. Sarkozy parvient à être apprécié de journalistes réputés de gauche. M. Saussez s’en félicite : « Il a une bonne image chez des gens qui n’ont pas ses opinions : c’est très nouveau (9). » Naviguant entre la clémence relative, avec l’abrogation de la double peine, et la répression, avec la nouvelle loi sur l’immigration, le président de l’UMP offre à chacun motif à se laisser séduire. « Il considère que son rôle est de convaincre. Et d’abord les journalistes », concède son fidèle lieutenant, le ministre délégué aux collectivités territoriales Brice Hortefeux (10).

Si ces derniers constituent bien la cible de M. Sarkozy, c’est qu’ils vont ensuite relayer une image susceptible de prospérer dans des cercles influents, lesquels eux-mêmes influenceront d’autres cercles concentriques dans leur entreprise, leur club de sport, leur voisinage… sans être nécessairement un vecteur d’opinion direct, les médias comptent auprès de ceux qui pensent que les médias influencent le public.

En tout cas, M. Sarkozy a le temps et l’occasion de s’exprimer. Le matin sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach lui octroie couramment vingt minutes supplémentaires d’entretien ; LCI, filiale de TF1, retransmet en direct ses vœux à la presse ; il fait la couverture de TV Magazine, ce supplément du Figaro diffusé auprès de cinq millions de lecteurs potentiels, à l’occasion d’un entretien sur Canal+ avec son ami Michel Denisot, déjà coauteur d’un livre avec le ministre. Quant à sa relation avec son épouse, Cécilia, elle fait le bonheur de la presse « people » (Gala, Paris Match…) chaque fois qu’elle sert les intérêts du présidentiable, mais provoque désormais l’autocensure, voire la censure, sitôt qu’elle cesse d’être à son avantage. Ainsi, lorsqu’une journaliste de Gala, Valérie Domain, décida en 2005 d’écrire un livre qui n’agréait pas à M. Sarkozy, Entre le cœur et la raison, l’éditeur – M. Vincent Barbare – fut convoqué Place Beauvau.

Une inhabituelle passion

La volonté de contrôler les médias peut être assez naturelle chez un responsable politique. Plus inhabituelle est la passion d’une communauté de dirigeants de médias et de journalistes (Denis Jeambar, qui vient de quitter la direction de L’Express pour celle des éditions du Seuil, et Franz-Olivier Giesbert, président-directeur général du Point, par exemple) à lui servir de relais. Encouragés par l’aura dont bénéficie le présidentiable auprès de leur propriétaire ou de leurs annonceurs, ils surestiment sans doute la séduction qu’il exerce et ils occultent trop volontiers l’échec de sa politique, par exemple sur le terrain des violences aux personnes (elles ont officiellement augmenté de 12 % entre mai 2002 et avril 2006). Inversement, quand les mêmes faiseurs d’opinion soulignent la médiocrité du bilan de M. de Villepin, ils font mine d’oublier que M. Sarkozy est un des principaux ministres de son gouvernement. Et que la querelle entre les deux hommes constitue aussi un moyen artificiel de permettre à la droite de s’offrir une alternative à elle-même.

En rebondissant sans cesse sur l’actualité, M. Sarkozy teste des idées qu’il calibre empiriquement en fonction de l’écho médiatique qu’elles reçoivent. Son objectif est de construire ainsi une légitimité cathodique et de demeurer au zénith des instituts de sondage avec une autorité conférée par les « unes » plutôt que par les urnes. Sur ce point précis, certains candidats socialistes, dont Mme Ségolène Royal, ne se comportent pas toujours différemment. Pour expliquer qu’elle ait, à son tour, décidé de s’installer sous les feux de la rampe, un conseiller de la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes admet : « La présence médiatique donne l’apparence de l’action. On a décidé de faire comme Nicolas Sarkozy, on prend toutes les occasions. On cannibalise tout (11). »

Dans le cas du ministre de l’intérieur, tout le monde – ou presque – y trouve son compte, tant que le « produit » se vend : « C’est le seul homme politique dont les régies publicitaires sont contentes quand il fait la couverture », avance M. Jérôme Peyrat, directeur général de l’UMP (12). Ce genre de considération n’est pas sans importance dans la presse, compte tenu du déclin de sa diffusion. Quant aux Français, ils auront bientôt à se prononcer sur le profit qu’ils retirent de l’exposition avantageuse d’un homme entièrement tourné vers la satisfaction de son ambition et de son clan.

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Françafrique : Le réseau Chirac, la relève Sarkozy ? 14.03.07

Ci-dessous la retranscription d’une conférence organisée le 14 mars 2007 par l’association Survie Isère. Version du 16 avril 2007

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POURQUOI CETTE CONFÉRENCE ?

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Les 15 et 16 février dernier, à Cannes, se déroulait le 24ème sommet des chefs d’Etat Afrique/France. A cette occasion, les principaux médias français ont dressé un bilan globalement positif de la politique africaine de Jacques Chirac. Certains journaux présentaient l’actuel président comme « Chirac l’africain » ou « Chirac l’ami de l’Afrique ».

A quelques centaines de mètres des cérémonies officielles, une manifestation se déroulait, à l’initiative des associations Survie, Agir ici, Attac, la Ligue des Droits de l’Homme, Oxfam France et le soutien d’une quarantaine d’autres organisations. Ce  »contre-événement » présentait un tout autre point de vue sur la politique africaine de Jacques Chirac. 350 personnes – entourées par autant de CRS – étaient rassemblées autour d’une ironique cérémonie de  »remise des palmes de la Françafrique ». De nombreux chefs d’Etat africains ont reçu des prix pour leur politique liberticide, guerrière ou dictatoriale. La palme d’or de la Françafrique a été décernée à Jacques Chirac, notamment pour son soutien de nombreuses dictatures africaines. Les médias dominants en ont très peu parlé.

Entre la vision d’un Jacques Chirac  »ami de l’Afrique » et celle d’un Jacques Chirac  »ami des dictateurs africains », où se situe la vérité ? C’est ce que nous allons tenter d’élucider ce soir, en explorant des informations rarement publiées dans les médias. Mais pour ne pas seulement se tourner vers le passé, nous nous pencherons également sur celui qui, selon les sondages, sera le prochain président de la République française. Que savons-nous des idées de Nicolas Sarkozy concernant l’Afrique ? Que savons-nous des liens éventuels entre le nouveau leader gaulliste et ce qu’on appelle la Françafrique ? Bien sûr, le sujet est si vaste que nous ne l’aborderons pas de manière exhaustive.

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QUELLES SONT LES SOURCES DE CET EXPOSÉ ?

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Concernant le  »bilan africain » de Jacques Chirac, nous avons essentiellement puisé dans les bases de données de l’association Survie, notamment dans l’ouvrage Noir Chirac, de François Xavier Verschave. Concernant les liens entre Nicolas Sarkozy et l’Afrique, nous avons épluché plusieurs centaines d’articles de la presse française et africaine. Nous avons également lu les quelques ouvrages d’enquête disponibles sur Nicolas Sarkozy. Les sources précises de nos informations sont rassemblées dans un document disponible auprès de l’association Survie Isère (survie.isere@netcourrier.com). Rentrons à présent dans le vif du sujet

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QUEL EST LE « BILAN AFRICAIN » DE JACQUES CHIRAC ?

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francafrik01.jpg « Photo de Famille » du sommet de Cannes des 15 et 16 février 2007.

francafrik02.jpg « Jacques Chirac » recevant la Palme d’Or de la Françafrique.

francafrik03.jpg Manifestation contre le sommet de Cannes le 15 février 2007.

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QUELS SONT LES LIENS ENTRE JACQUES CHIRAC ET LA FRANCAFRIQUE ?

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Pour bien comprendre les liens entre Jacques Chirac et l’Afrique, il nous faut au préalable remonter aux origines de ce que nous appelons la Françafrique. C’est en effet l’un des contextes historiques dans lequel naît politiquement Jacques Chirac.

Commençons notre plongée dans l’histoire de France en 1958, lorsque le général de Gaulle prend le Pouvoir et crée la Vème République française. A cette époque, les colonies sont traversées par de puissants mouvements indépendantistes. Après son retrait d’Indochine (1954), l’Armée française est de nouveau en position difficile en Algérie. Elle fait également face à une intense guérilla indépendantiste au Cameroun. De manière générale, la quasi-totalité des colonies françaises est secouée par des mouvements de décolonisation, cette revendication rencontrant des échos de plus en plus favorables au sein de l’opinion publique française. Mais le général de Gaulle et son Etat-major ne souhaitent pas l’indépendance de l’empire colonial, et ce pour au moins deux raisons. Une raison économique : l’Afrique permet à la France d’accéder aux matières premières stratégiques comme l’uranium ou le pétrole. Elle est également source de profits pour de nombreuses sociétés française (commerce du cacao, bananes, bois, café, etc.). Une raison politique : en pleine période de “Guerre froide”, la France, alliée du camp occidental, souhaite éviter la propagation du communisme dans ses colonies.

Politiquement acculé, le général de Gaulle enclenche cependant le processus de décolonisation dans les années 60 (4). Mais tout en proclamant ce nouvel état des relations internationales, il charge son bras droit Jacques Foccart de maintenir les pays d’Afrique francophone sous la tutelle française par un ensemble de moyens illégaux et occultes.

Jacques Foccart est à l’époque un personnage très puissant : secrétaire général de l’Élysée, il dirige la plupart des services secrets (5), supervise les nominations aux principaux postes du parti gaulliste et de l’État, pourvoit enfin aux finances du gaullisme. Il va brillamment orchestrer cette mission de  »confiscation des indépendances ».

Sa principale stratégie sera la mise en place de dirigeants africains favorables à la France par le trucage des élections et l’élimination physique des leaders et mouvements indépendantistes. La guerre contre les indépendantistes camerounais (1957-1970) fut la plus violente, avec des méthodes dignes de la guerre du Vietnam : des centaines de milliers de victimes, l’assassinat des leaders Ruben Um Nyobé en 1958, Félix Moumié en 1960, Ouandié en 1970. Cette guerre servit de leçon à tous ceux qui pouvaient avoir des velléités de résistance. Citons également l’assassinat du président indépendantiste togolais Sylvanus Olympio en 1963, sous la supervision des services français. L’assassin, Etienne Eyadéma, s’installa ensuite plus de 40 ans au pouvoir. Notons que bon nombre des chefs d’État choisis par Foccart ont été formés dans les écoles militaires françaises. Certains appartenaient aux services secrets français, comme Omar Bongo, président du Gabon depuis… 1967 !

Des accords militaires, diplomatiques et économiques sont ensuite passés avec les dirigeants de ces pays officiellement décolonisés, permettant de maintenir la domination française. Nombre de ces accords comportent des clauses non publiées au Journal Officiel (6) et sont toujours ignorés du Parlement français. Ils fixent notamment l’accès privilégié de la France aux matières premières africaines. Ils prévoient l’organisation, l’encadrement et l’instruction des forces armées des Etats  »décolonisés », ainsi qu’une intervention militaire française en cas de menace extérieure. Ils permettent également l’implantation de bases militaires françaises sur le continent africain (ce qui est toujours le cas actuellement). De plus, chaque président africain est encadré par les services secrets français, soi-disant chargés de sa sécurité, et par de multiples conseillers. Pour éliminer tout risque d’opposition intérieure, des polices politiques tortionnaires sont mises en place, formées à l’école française et aux méthodes expérimentées en Algérie. Tout ce réseau est contrôlé par Jacques Foccart depuis la  »cellule africaine de l’Elysée » (2, rue de l’Elysée), une instance agissant en dehors de tout contrôle parlementaire.

Cette stratégie permet de maintenir le système de domination et d’exploitation coloniale tout en donnant l’impression qu’il y a bien indépendance, puisque c’est un homme originaire du pays qui gouverne. Elle permet également à la France de maintenir sa position dominante dans les institutions internationales telles que l’ONU : les Etats d’Afrique francophone, officiellement indépendants, s’alignant généralement sur les choix de l’ancienne métropole.

La domination politique et militaire des anciennes colonies s’accompagne d’une domination économique, via le franc CFA, monnaie des pays d’Afrique francophone, essentiellement contrôlée par la Banque de France. Enfin, la mise en place d’une « aide publique au développement » permet le soutien financier des régimes  »amis de la France » et de projets de développement au profit d’entreprises françaises.

Parallèlement, pendant toute cette période, les discours des différents gouvernements se sont parés d’un  »manteau de vertu » : la France  »meilleure amie de l’Afrique et du développement »,  »patrie des Droits de l’Homme », la France en  »lutte contre l’influence hégémonique anglo-saxonne », etc.

Voilà un bref résumé non exhaustif et simplifié de ce qu’on appelle « La Françafrique », c’est-à-dire la confiscation des indépendances africaines, le soutien de dictatures, le détournement de l’aide au développement, le pillage des matières premières, le maintien au Pouvoir par la terreur politique, une corruption incroyable sur laquelle l’affaire Elf a donné quelques coups de projecteurs. Je ne vais pas rentrer plus dans le détail dans le cadre de cet exposé. Tous ces mécanismes sont amplement et précisément décrits, pays par pays, dans deux ouvrages majeurs de François-Xavier Verschave, l’ancien président de l’association Survie : La Françafrique (1998) et Noir Silence (2000). Mais il me semblait important, pour débuter cet exposé, de repréciser en quelques minutes les origines de la « Françafrique ». Cette période marque en effet les débuts politiques de Jacques Chirac.

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JUSTEMENT, COMMENT JACQUES CHIRAC A-T-IL DÉBUTÉ EN POLITIQUE ?

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Jacques Chirac est issu d’un milieu aisé. Son père était le banquier de Marcel Dassault, l’une des plus grandes fortunes de France, avionneur et industriel militaire qui se prend très tôt d’amitié pour le jeune Jacques Chirac. Celui-ci fait Sciences-Po Paris en 1956, puis est aussitôt mobilisé pour la guerre d’Algérie. Quelques dizaines d’années plus tard, il expliquera combien « [C’était] la période la plus passionnante de mon existence. ». Militant pour une « Algérie française », Jacques Chirac hésite à s’engager définitivement dans l’Armée. Il rentre finalement en 1959 à Paris pour faire l’ENA. Il est aussitôt remobilisé en renfort administratif à Alger. En 1960 éclate « l’affaire des Barricades » : suite à un discours du général de Gaulle sur la nécessaire « autodétermination du peuple algérien », des généraux français se révoltent à Alger. Jacques Chirac ressent beaucoup de sympathie pour ce mouvement, mais ses collègues énarques le dissuadent de soutenir les généraux dissidents.

Jacques Chirac rentre finalement en France au début des années 60. Introduit auprès de Georges Pompidou par Marcel Dassault. Jacques Chirac, âgé d’à peine trente ans, se trouve propulsé au cabinet du premier Ministre, en charge des équipements, des transports et de la construction. Une aubaine pour Marcel Dassault, à qui Jacques Chirac va fournir de nombreux contrats, ainsi que des réductions fiscales.

Au cabinet de Georges Pompidou, le jeune énarque est remarqué par Pierre Juillet, homme des services secrets, souvent baptisé le  »Foccart de Pompidou ». Il suscite également l’intérêt de Marie-France Garaud et de Charles Pasqua (bras droit de Jacques Foccart). Tous voient en Jacques Chirac un exceptionnel  »animal politique » et une recrue de choix pour l’avenir du mouvement gaulliste. Ils l’initient aux coulisses et aux réseaux du Pouvoir. Ils transforment le technarque en homme politique, en faisant de Jacques Chirac un député de Corrèze, grâce aux soutiens financiers de Marcel Dassault, aux soutiens politiques de Pompidou, aux manoeuvres de Pierre Juillet et aux talents relationnels de Jacques Chirac sur le terrain. Parallèlement, Jacques Chirac fait une fulgurante ascension dans l’appareil d’Etat. Secrétaire à l’emploi en 1967 (il est le créateur de l’ANPE), secrétaire d’Etat au budget en 1969 (Pompidou est alors président), ministre de l’agriculture et enfin ministre de l’Intérieur. Son premier  »faux pas » survient en 1969, à travers le scandale du château de Bity. Ce château corrézien du XVIème siècle est acheté en ruine à un prix relativement modique par Jacques Chirac. Grâce aux relations politiques de ce dernier, le château est déclaré monument historique et sa rénovation en partie financée par l’Etat.

En 1974, la carrière politique de Jacques Chirac est fortement perturbée par le décès de Georges Pompidou. Valéry Giscard d’Estaing devient président, nommant Jacques Chirac premier ministre. Mais celui-ci démissionne, crée le RPR avec l’appui de Pierre Juillet et de Charles Pasqua, et prend la tête de la mairie de Paris.

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francafrik04.jpg Jacques Chirac pendant la guerre d’Algérie.

francafrik05.jpg Jacques Chirac au cabinet de Georges Pompidou.

francafrik06.jpg Le château de Bity.

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TU NOUS AS PARLÉ DU PARCOURS POLITIQUE DE JACQUES CHIRAC.
C’EST INTÉRESSANT. MAIS QUEL EST LE RAPPORT AVEC LA FRANÇAFRIQUE ?

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J’y arrive… Nous sommes en 1976, Jacques Chirac est le leader du RPR et maire de Paris. Ces deux institutions seront les bases de sa longue reconquête du Pouvoir, avec le soutien de Charles Pasqua, de Pierre Juillet, de Jacques Foccart, et déjà du jeune Nicolas Sarkozy. Mais pour occuper le devant de la scène politique, il faut beaucoup d’argent. De l’argent pour faire fonctionner le RPR, pour financer les campagnes politiques et pour assurer les appétits financiers des leaders gaullistes. Il faudra attendre la fin des années 90 pour comprendre, à travers une déferlante d’affaires judiciaires, le système de financement mis en place par le RPR pendant toute cette période. A travers l’affaire des marchés publics d’île de France, l’affaire des HLM de Paris, l’affaire Schuller, l’affaire Méry, mais également l’affaire Elf, des voiles se lèvent sur d’énormes sources de financement politique et d’enrichissement personnel dans les années 80-90 : le détournement de fonds publics et le soutien des réseaux françafricains.

Il est impossible, dans le cadre de cet exposé, de détailler ces nombreuses affaires. Je ne peux que vous conseiller de lire les ouvrages des juges d’instruction Eva Joly ou Eric Halphen (7). Ces enquêtes ont jeté une lumière crue sur le fonctionnement des institutions publiques françaises. Mais puisque nous faisons ce soir le  »bilan africain » de Jacques Chirac, je me limiterai sur les aspects  »africains » de ces affaires. Par exemple, une partie des sommes détournées des marchés publics parisiens (8) étaient blanchies dans des pays d’Afrique comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Congo Brazzaville. Il s’agissait notamment d’une des missions de Jean-Pierre Soizeau, membre des services secrets, responsable d’une dizaine d’entreprises dont la plupart implantées dans des paradis fiscaux. Il est malheureusement décédé juste avant d’être interrogé par la police.

Notons également le soutien des réseaux françafricains. Le réseau de soutiens politiques et financiers africains tissé par Jacques Foccart et son bras droit Charles Pasqua, architectes de la Françafrique, ont tourné à plein régime pour soutenir le mouvement gaulliste. C’est ainsi que Mobutu donna 5 millions de francs pour la campagne politique de Jacques Chirac en 1988, tout comme Hassan 2 en 1995. Enfin, les enquêtes de l’affaire Elf ont montré que chaque année, environ 600 millions de francs étaient détournés sur les rentes pétrolières, non seulement pour soutenir les régimes  »amis de la France », mais également pour financer des partis politiques, RPR en tête. Il s’agit là probablement de la  »pointe émergée de l’iceberg ».

Autour de ces affaires gravitent de nombreuses personnalités aux parcours étonnants, comme Michel Roussin, ancien n°2 de la DGSE, directeur de la Générale des Eaux, directeur du cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris (et à ce titre mis en cause dans la gigantesque razzia sur les marchés publics franciliens), ministre de la Coopération en 1993, haut responsable du groupe français Bolloré, “monsieur Afrique” du MEDEF, administrateur d’une compagnie minière au Gabon, membre du conseil de surveillance de « Sécurité sans frontière ». Services secrets, industries implantées en France et en Afrique, parti politique,  »développement », mercenariat : on retrouve le  »cocktail » de la Françafrique, vaste système de prédation des richesses africaines.

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francafrik07.jpg Jacques Chirac et Michel Roussin.

francafrik08.jpg Jacques Chirac et Jean-Claude Méry.

francafrik09.jpg Jacques Chirac et Charles Pasqua.

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NOUS VOILÀ EN 1995, JACQUES CHIRAC EST PRÉSIDENT : QUELLE VA ÊTRE SON ACTION ENVERS L’AFRIQUE ?

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Permettez-moi une petite pointe d’humour pour commencer. Connaissez-vous le slogan de la campagne de Jacques Chirac pour les législatives de 1986 ? « Ce que nous avons fait pour Paris, nous le ferons pour la France. »
En 1995, Jacques Chirac devient président de la République française. Il place aussitôt Jacques Foccart à la tête de la cellule africaine de l’Elysée. Notons que lorsque Jacques Chirac était premier Ministre sous la présidence de François Mitterrand de 1986 à 1988, il avait également fait de l’architecte de la Françafrique son  »conseiller Afrique ».
Mais l’heure tourne, et je ne vais pas détailler tout le  »bilan africain » du président Chirac. Je passe rapidement sur la loi concernant le rôle positif de la colonisation en 2005, finalement abandonné en 2006 (9). Je passe également sur les nouvelles lois en matière d’immigration africaine (10). Je passe enfin sur le scandale du musée du Quai Branly (11). Je me concentre sur l’essentiel : le soutien de Jacques Chirac aux pires dictatures africaines, tout au long de son mandat.

Le Togo

En 1963, le général Eyadéma, formé dans l’Armée française, assassine le président Sylvanius Olympio avec le soutien des réseaux Foccart et s’installe plus de 40 ans au Pouvoir. Un Pouvoir dictatorial, marqué par l’assassinat de milliers d’opposants politiques, bilan comparable à celui de Pinochet en son temps. En 1992, Jacques Chirac déclarait qu’il était un « ami personnel » du général Eyadéma et qu’ils avaient ensemble des conversations quasi-quotidiennes. En 1998, le général Eyadéma organise des élections insuffisamment truquées : le fils de Sylvanius Olympio, Ghilchrist Olympio, est déclaré vainqueur. Le général Eyadéma réprime aussitôt l’opposition et reprend la tête du pays, suscitant un rapport incendiaire d’Amnesty International. Quelques mois plus tard, Jacques Chirac rend visite au dictateur togolais et déclare que « le rapport d’Amnesty International est peut-être une opération de manipulation ». En 2001, une enquête de l’ONU confirme cependant le rapport d’Amnesty International et les exactions du général Eyadéma. Jacques Chirac reçoit pourtant le dirigeant togolais avec tous les honneurs de la République française, la même année. En 2005, le général Eyadéma décède. Son fils prend le Pouvoir, réprimant l’opposition (plus de 800 morts). Il est aussitôt félicité et reçu par Jacques Chirac, malgré les condamnations de la quasi-totalité de la communauté internationale.

Le Tchad

Depuis son coup d’Etat en 1990, Idriss Déby est au Pouvoir. En 1996, il décide d’organiser des élections supervisées par l’Etat français. L’Élysée missionne Jérôme Grand d’Esnon, conseiller de Jacques Chirac (mis en cause dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris) et André Rouge, membre du conseil national du RPR. 95 % du financement des élections sont pris en charge par la France, sous contrôle de l’Armée française : matériel électoral, déplacement des urnes, centralisation informatique. La liste des irrégularités de ce scrutin est longue, détaillée dans plusieurs ouvrages. Voici quelques exemples :

– élimination de candidats pour des motifs juridiques mineurs (non conformité de certificats médicaux ou de résidence). Un des candidats est arrêté et maintenu en prison jusqu’au lendemain de l’élection.

– trucage du recensement électoral : les régions dont est originaire Idriss Déby sont sur-représentées ; 100 bureaux de vote sont créés au Soudan pour des électeurs “tchadiens” dans des conditions échappant à tout contrôle ; de  »vraies-fausses » cartes électorales sont émises par le ministère de l’Intérieur, distribuées aux militants d’Idriss Déby, etc.

– opacité des procédures de vote : avant le scrutin, les assesseurs indépendants, formés aux procédures électorales, sont remplacés par de jeunes analphabètes partisans du régime.

– pressions militaires et policières dans la plupart des bureaux de vote, avec arrestations et agressions d’opposant(e)s.

– transport des urnes et centralisation informatique effectués par l’Armée française, sans observateur indépendant.

– refus de la Commission électorale de fournir aux candidats de l’élection les fiches de résultats par bureaux de vote, contrairement au Code électoral officiel.

Dans un premier temps, Idriss Déby est proclamé élu au premier tour, avec 50,14 % des voix. Finalement, après consignes de l’Elysée, un second tour est organisé, remporté par Idriss Déby. En 2001, de nouvelles élections sont organisées, selon un dispositif semblable à celui de 1996. Le  »président » sortant est une nouvelle fois  »réélu ». A chaque fois il est chaleureusement félicité par Jacques Chirac. Notons qu’en 2006, l’Armée française est également intervenue pour protéger Idriss Déby d’une rébellion.

Burkina Faso

En 1983, un coup d’Etat éclate, soutenu par les réseaux françafricains. La population se révolte, portant Thomas Sankara au Pouvoir. Son gouvernement rebaptise la Haute Volta le Burkina Faso (“pays des hommes intègres”). Il retire aux chefs traditionnels leurs pouvoirs féodaux et instaure des modes de décision collective. Sankara travaille sans protocole, roule en R5 et vend les limousines de l’état, imposant à ses ministres le même train de vie modeste. Il lance de grands programmes pour améliorer l’éducation, l’agriculture et le statut des femmes. Excellent orateur, Sankara agace les grandes puissances. Devant l’ONU, il plaide pour le féminisme et dénonce la politique des Etats-Unis. Lors d’une visite du président François Mitterrand, il critique radicalement la politique africaine de la France. Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est assassiné lors d’un coup d’état organisé par Blaise Compaoré, soutenu par la France. A l’époque, Jacques Chirac est premier Ministre, son conseiller Afrique est Jacques Foccart. 20 ans plus tard, Compaoré est toujours au pouvoir, richissime (il possède un palais et un Boeing 747 personnel) dans un pays parmis les plus pauvres de la planète. Il est impliqué dans divers trafics et soutient Charles Taylor au Sierra Léone. En 1998, Blaise Compaoré organise des élections mais refuse une Commission électorale indépendante : l’opposition boycotte le scrutin et Compaoré est élu avec plus de 70% des voix, aussitôt félicité par Jacques Chirac. Notons au passage que Compaoré est politiquement soutenu par la mairie de Grenoble, dans le cadre d’un projet de coopération décentralisée Grenoble/Ouagadougou des plus contestables (12).

La Guinée

Depuis le coup d’Etat de 1984, le militaire Lansana Conté est au Pouvoir. En 1998, il organise des élections truquées, emprisonnant notamment l’opposant principal, Alpha Condé. Jacques Chirac rend visite au même moment à Lansana Conté, félicitant la démocratisation du pays.
Je pourrais détailler de nombreux autres exemples concernant le Gabon, la Tunisie, le Maroc, l’Angola, la Centrafrique, le Cameroun, bref tous ces pays soutenus par Jacques Chirac, dont les dirigeants sont au Pouvoir par des coups d’Etat, la terreur policière ou militaire, l’assassinat ou la corruption des opposants, des oligarchies richissimes dans des pays de misère.

Congo Brazzaville

Jacques Chirac, dans les années 80, était lié d’amitié avec Denis Sassou N’Guesso, dirigeant de 1979 à 1991 le Congo d’une main de fer (des milliers d’opposants assassinés). Dès son arrivée au Pouvoir, Jacques Chirac souhaite la remise en selle de Sassou N’Guesso. En 1997, ce dernier organise un coup d’Etat financé par Elf, lançant une guerre civile de plusieurs centaines de milliers de morts. Sassou N’Guesso est désormais au Pouvoir, soutenu et reçu par Jacques Chirac tout au long de son mandat.
A ce propos, une petite anecdote s’impose ici : l’affaire Ndenguet. Le colonel Ndenguet est le directeur général de la police congolaise. En avril 2004, ce colonel est en séjour en France, dans la villa de sa fille, à Meaux (l’oligarchie africaine possède de somptueuses villas ou hôtels particuliers en France). Ce qu’il ignore, c’est que des réfugiés politiques du Congo ont porté plainte devant le tribunal de Meaux, reprochant au colonel Ndenguet l’exécution de 350 opposants congolais en 1999, crime contre l’humanité. Le juge Jean Gervillié, qui instruit la plainte, fait interpeller et placer en garde à vue le colonel Ndenguet. Celui-ci proteste : « Je suis couvert par l’immunité diplomatique. » Pour en avoir le coeur net, les gendarmes se rendent au Quai d’Orsay. Réponse: « A priori, non. Mais on vous le confirme par écrit. » Le soir, à 22h30, le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères fait savoir, dans un fax au procureur de Meaux, que Jean-François Ndenguet bénéficie bien de ladite immunité: « L’ambassadeur du Congo en France a certifié que M. Ndenguet, porteur d’un document signé par le président de la République du Congo, est en mission officielle en France à compter du 19 mars 2004. A ce titre, et en vertu du droit international coutumier, il bénéficie d’immunités de juridiction et d’exécution. » Dès lors, pour le procureur de Meaux, en relation constante avec le parquet général de Paris, les choses sont claires : Jean-François Ndenguet doit être relâché. Une analyse que conteste le juge d’instruction, qui met en examen le haut fonctionnaire congolais. Et le fait placer en détention à la prison de la Santé. En pleine nuit, Jacques Chirac et Dominique de Villepin demandent au procureur de Meaux de se réunir à 2 heures du matin pour statuer, une procédure sans précédent. Monique Radenne, présidente de la chambre de l’instruction, décide, après examen du dossier, de libérer le colonel. Lequel quitte la Santé à 3 heures, accueilli par l’ambassadeur du Congo. Il s’envole quelques heures plus tard pour Brazzaville.

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francafrik10.jpg francafrik11.jpg francafrik12.jpg francafrik14.jpg

Jacques Chirac et : Gnassingbé Eyadéma (Togo) / Blaise Compaoré (Burkina) / Idriss Déby (Tchad) / Omar Bongo (Gabon)

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L’HEURE TOURNE. IL SERAIT PEUT-ÊTRE TEMPS DE SE TOURNER VERS L’AVENIR, VERS L’ACTUEL LEADER GAULLISTE ET CANDIDAT A LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE, NICOLAS SARKOZY. QUE SAIT-ON DES LIENS ENTRE NICOLAS SARKOZY ET LA FRANÇAFRIQUE ? PEUT-ÊTRE POURRAIS-TU COMMENCER PAR NOUS FAIRE UN RAPIDE « PORTRAIT POLITIQUE » DE NICOLAS SARKOZY, COMME TU AS FAIT POUR JACQUES CHIRAC TOUT A L’HEURE ?

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Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa naît en 1955, d’un père immigré issu de la noblesse hongroise. Il grandit à Neuilly sur Seine. Il rate Sciences-Po Paris. Mais il devient avocat en 1981 et s’associe pour créer le cabinet parisien « Arnaud Claude et Nicolas Sarkozy », spécialisé dans le droit immobilier. Nicolas Sarkozy n’a presque jamais plaidé, mais il touche une part des profits de ce cabinet d’avocat (240 000 euros en 2002).

Nicolas Sarkozy est très tôt engagé en politique. A moins de 20 ans, il rentre à l’UDR puis au RPR, parrainé par Charles Pasqua, dont il se considère le « double » à l’époque. Il va monter progressivement dans la hiérarchie du parti : président du comité de soutien des jeunes à la candidature de Jacques Chirac en 1980, secrétaire national du RPR en 1988, etc. Son seul  »faux pas » dans le soutien à Jacques Chirac survient en 1995, quand il se rallie à Edouard Balladur pour les élections présidentielles. En 2002, il soutient Jacques Chirac. En 2004, il devient le président de l’UMP.

Nicolas Sarkozy, c’est également une forte implantation politique dans les Hauts de Seine. De 1983 à 2002, il est maire de Neuilly, la ville la plus riche de France. En 2004, il devient président du Conseil général des Hauts de Seine, le département le plus riche de France, prenant la succession de Charles Pasqua.
L’expérience étatique de Nicolas Sarkozy est relativement récente. Il devient ministre du Budget en 1993, mais est ensuite écarté de l’appareil d’Etat pour sa  »trahison » envers Jacques Chirac. Il est cependant nommé Ministre de l’Intérieur en 2002, puis Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en 2004, fonction qu’il doit abandonner sur demande de Jacques Chirac qui ne souhaite pas qu’un Ministre soit également président de l’UMP. En 2005, le même Jacques Chirac nomme cependant Nicolas Sarkozy une nouvelle fois Ministre de l’Intérieur, cumulant ce mandat avec la présidence de l’UMP.
Nicolas Sarkozy, c’est enfin un réseau relationnel colossal dans l’industrie et les médias. Je ne citerai pas ici la longue liste de ses soutiens. Citons Martin Bouygues, témoin de son mariage avec Cecilia Sarkozy et parrain d’un de ses fils. Bernard Arnault, également témoin de son mariage. Lagardère, Dassault, Véolia, Bolloré, quasiment tout le CAC 40 soutient Nicolas Sarkozy, qui déclarait d’ailleurs en 2005 : « j‘ai tous les patrons de presse avec moi. »

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francafrik15.jpg francafrik16.jpg Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac.

francafrik17.jpg Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua.

francafrik18.jpg Nicolas Sarkozy Ministre du Budget.

francafrik19.jpg Nicolas Sarkozy à l’Université du MEDEF.

francafrik20.jpg Nicolas Sarkozy et serge Dassault.

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RENTRONS MAINTENANT DANS LE VIF DU SUJET :
QUELS SONT LES RAPPORTS DE NICOLAS SARKOZY AVEC L’AFRIQUE ET LA FRANÇAFRIQUE ?

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Nous nous sommes d’abord intéressés aux idées, aux discours et au programme de Nicolas Sarkozy concernant l’Afrique. L’Afrique n’étant pas au coeur de la campagne présidentielle (ou alors indirectement via l’immigration), les textes à notre disposition sont relativement peu nombreux. Les textes de référence sont : un discours de Nicolas Sarkozy au Bénin en mai 2006, un interview donné au magazine Jeune Afrique en novembre 2006, le discours du meeting UMP de Toulon et un discours sur la politique internationale en février 2007.
En examinant ces discours, nous relevons des éléments de  »rupture » avec la Françafrique, des éléments de  »continuité », et des éléments très  »classiques » que l’on retrouve en général dans les propos de tout candidat à la présidence. Le tout forme un ensemble plutôt contradictoire et soumis à différentes interprétations.

– Les éléments de  »rupture » :
Nicolas Sarkozy souhaite « tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguîtés » en matière de relations franco-africaines. Il déclare sa volonté de « se débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé.» Il souhaite « cesser de traiter indistinctement avec des démocraties et des dictatures » et critique en ce sens la politique africaine de Jacques Chirac.

– Les éléments  »classiques » :
Nicolas Sarkozy, comme la plupart des candidats gaullistes à la présidence, se présente comme un « ami des africains ». Il « aime l’Afrique » et souhaite tout faire pour son  »développement », envisagé par ailleurs comme un remède à l’immigration.

– Les éléments de  »continuité » :
Si Nicolas Sarkozy critique les réseaux françafricains, il juge néanmoins l’action de la France en Afrique globalement positive : « Je crois pouvoir dire qu’aucun pays du Nord ne porte autant d’attention à l’Afrique que la France. Aucune nation n’a autant à coeur la stabilité, le développement, la réussite des pays du continent africain. […] La relation entre l’Afrique et la France, l’Afrique et l’Europe doit s’affirmer comme l’un des principaux axes de stabilité de la planète et comme un exemple pour la relation Nord-Sud. » Nicolas Sarkozy critique violemment les discours dénonçant la domination économique française sur l’Afrique : « Il faut cesser de répéter que la France est présente en Afrique pour piller ses ressources car, à tout bien peser, c’est vrai, nous n’avons pas économiquement besoin de l’Afrique – et je mets quiconque au défi de me démontrer le contraire. La France est en Afrique avec des ambitions plus amicales. » Pourtant, certaines de ses déclarations présentent l’Afrique comme un continent à  »conquérir » : « L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Jusqu’à quand l’Europe attendra-t-elle pour construire l’Afrique de demain ? Pendant que l’Europe hésite, les autres avancent. »

Nicolas Sarkozy soutient également les multinationales françaises : « Il n’y a en réalité qu’un petit nombre de grands groupes français qui réalisent une part importante de leurs activités en Afrique. […] Bouygues, Air France, Bolloré, n’ont pas besoin de la diplomatie française pour exister et se développer en Afrique. S’ils y sont dynamiques, c’est à l’ancienneté de leur implantation, ils ont cru à l’Afrique avant beaucoup d’autres. C’est au talent de leur management et de leurs collaborateurs qu’ils le doivent et à eux seuls ».
Nicolas Sarkozy exprime son admiration pour le « de Gaulle visionnaire » qui a su « comprendre les aspirations de l’Afrique à l’autonomie puis à l’indépendance » et à Edouard Balladur qui a su « intervenir directement », quand il était premier ministre, pour « arrêter ce crime contre l’humanité » qu’a constitué le génocide rwandais. Enfin, Nicolas Sarkozy souligne le rôle positif de la colonisation : « Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. » (13) Nicolas Sarkozy a également déclaré lors du meeting de Caen, le 9 mars 2007 : « La vérité, c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant oeuvré pour la civilisation et le développement et si peu pour l’exploitation. On peut condamner le principe du système colonial et avoir l’honnêteté de reconnaître cela. » (14)
Tous ces discours sont en totale contradiction avec le début de mon exposé concernant les origines de la Françafrique, et avec les enquêtes de l’association Survie en général (en particulier concernant le génocide rwandais).
Nous ne pouvons d’ailleurs que déplorer le manque de  »répondant » des journalistes interrogeant Nicolas Sarkozy sur tous ces sujets. Pour revenir sur ses déclarations concernant  »la France qui, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique », un journaliste renseigné aurait pu souligner quelques informations pourtant faciles à obtenir : selon le Ministère des Finances et de l’Industrie, en 2006, les échanges avec l’Afrique représentaient environ 5% des échanges internationaux de la France. Le solde économique de ces échanges est positif, contrairement aux soldes de la France avec d’autres continents. Ainsi, en 2005, le solde France/Afrique était de + 3 milliards d’euros environ, soit autant que le solde France/Amérique, mais le solde France/Europe était de – 18 milliards d’euros, et le solde France/Asie – 22 milliards d’euros. En 2002, le nombre de filiales d’entreprises françaises en Afrique s’élevait à 2637, en hausse de 13% par rapport à l’année précédente. Au Congo Brazzaville et au Gabon, le pétrole enrichit Total Fina Elf, qui affichait, en 2005, un bénéfice record de 12 milliards d’euros. Au Cameroun, au Congo Brazzaville et au Gabon, le bois fait la fortune de Bolloré (1 milliard de chiffres d’affaires en 2004) et de Rougier. Meubles en Okoumé, planchers en Azobé, escaliers et portes en Sapelli ou Moabi, toutes ces essences menacées de disparition sont largement utilisées en France, premier importateur européen de bois africain. Au Mali, l’or est une manne pour la Somadex, une filiale de Bouygues (15). Au Niger, l’uranium est exploité par la Cogema, assurant plus de 50% de l’approvisionnement des centrales françaises. Nous pourrions encore citer le commerce du diamant en Centrafrique, du gaz en Algérie (16), des phosphates au Togo et au Maroc. Mais également les produits agricoles (café, ananas, cacao, arachide, canne à sucre…) et les services (transport, eau, BTP, télécoms…). En 2004, Bouygues a réalisé 1,2 milliards de chiffres d’affaires en Afrique. Enfin, le commerce des armes est très lucratif. Entre 1996 et 2003, les exportations d’armes de la France en Afrique ont représenté 30 milliards d’euros (Dassault, Lagardère…).
Notons cependant que nos interprétations des discours de Nicolas Sarkozy sont subjectives. D’autres interprétations de ses discours seraient possibles. C’est pourquoi il faut prendre du recul avec les mots et nous concentrer sur les faits. Pour cela, nous nous sommes posés deux principales questions : Nicolas Sarkozy développe-t-il des relations avec des dictateurs ? Quels sont les liens entre Nicolas Sarkozy et le  »réseau Pasqua » ?

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JUSTEMENT, TU PARLES DE RELATIONS PERSONNELLES AVEC DES DICTATEURS. PEUX-TU EN DIRE UN PEU PLUS ?

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Nicolas Sarkozy entretient des relations avec plusieurs dictateurs. Selon La lettre du continent, une publication essentiellement destinée aux diplomates et aux industriels opérant en Afrique (17), Nicolas Sarkozy a rencontré au moins sept fois Omar Bongo depuis 2004, la plupart du temps dans l’hôtel particulier parisien du dirigeant gabonais. Récemment, dans le Nouvel Observateur de février 2007, Omar Bongo déclarait : « Avec Nicolas Sarkozy, il y a une différence parce qu’on est amis. Si demain il me renie parce qu’il est président, je lui dirai:  »ce n’est pas sérieux Nicolas ». […] Je crois que le fondement même de la Françafrique restera, quitte à l’améliorer. »
Nicolas Sarkozy est un ami de Denis Sassou N’Guesso, le chef d’Etat du Congo-Brazzaville. Il soutient la monarchie marocaine de Mohammed VI. Notons que son bras droit Brice Hortefeux soutient d’ailleurs la colonisation marocaine du Sahara Occidental. Nicolas Sarkozy est également proche du président Bouteflika et des milieux militaires algériens. Depuis 2003, il s’est rendu une à trois fois par an en Algérie. En juillet 2004, il a signé un accord économique France/Algérie de 2 milliards d’euros, l’un des plus grands accords français avec un pays du Sud, pour développer des projets industriels algériens, au bénéfice de sociétés françaises. Cette décision est quelque peu contradictoire avec les grandes déclarations de Nicolas Sarkozy sur le rôle des multinationales en Afrique. Ce dernier a récemment affirmé qu’il souhaitait apporter la technologie nucléaire en Algérie, en échange d’accords sur l’exploitation du gaz algérien par la France.
Nicolas Sarkozy a également critiqué l’accession au Pouvoir du fils d’Eyadéma au Togo. Cependant, en tant que Ministre de l’Intérieur, il n’a pas mis fin à l’équipement et l’encadrement de la police togolaise par la France.
Pour terminer, nous avons trouvé dans le journal La lettre du continent cette information sybilline : pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, son ami Martin Bouygues « a mis à sa disposition son conseiller Afrique, Michel Lunven, ancien ambassadeur de France au Gabon et en Centrafrique et ex-conseiller de Jacques Foccart ». Pourquoi le patron d’une des plus grandes entreprises de BTP met-il à disposition de Nicolas Sarkozy un ancien conseiller de l’architecte de la Françafrique, pour une campagne présidentielle ? La question reste ouverte.

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QUELS SONT LES LIENS ENTRE NICOLAS SARKOZY ET LE RESEAU PASQUA ?

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D’abord, pourquoi s’intéresser à ces liens ? Parce que ce que nous appelons le  »réseau Pasqua » est un acteur emblématique de la Françafrique, décrit dans de nombreux ouvrages de l’association Survie. Charles Pasqua était le bras droit de Jacques Foccart, l’architecte de la Françafrique. Le  »réseau Pasqua » désigne une nébuleuse d’acteurs industriels, militaires, politiques et barbouzards impliqués dans de nombreuses affaires de trafic d’armes, de corruption, de coups tordus en Afrique (affaire Elf, affaire Angolagate, affaire Falcone, affaire Marchiani, etc.).
Historiquement, même si Nicolas Sarkozy a pris ses distances politiques avec Charles Pasqua depuis plusieurs années, les liens entre le candidat UMP à la présidence et Charles Pasqua sont forts. Charles Pasqua était le témoin du premier mariage de Nicolas Sarkozy. Il a joué un rôle majeur dans son éducation politique, à Neuilly sur Seine, dans les Hauts de Seine et au RPR. Nicolas Sarkozy se définissait dans les années 70 comme le « double » de Charles Pasqua et déclarait en 1983 : « C‘est l’un des hommes les plus honnêtes que je connaisse ». Il lui a certes  »raflé » la mairie de Neuilly sur Seine en 1983, mais ils se sont ensuite réconciliés. Nicolas Sarkozy a par exemple vraisemblablement aidé Charles Pasqua à devenir sénateur en 2004, lui permettant de bénéficier d’une immunité parlementaire.
Certains bras droits de Nicolas Sarkozy sont des anciens bras droits de Charles Pasqua. C’est le cas de Claude Guéant, directeur de campagne de Nicolas Sarkozy pour 2007. Claude Guéant, énarque, était secrétaire général de la préfecture des Hauts de Seine, Directeur Général de la Police Nationale, nommé par Charles Pasqua. Il assiste en général à tous les entretiens de Nicolas Sarkozy avec des dirigeants africains. Citons également Michel Gaudin, énarque, ancien directeur de cabinet de Charles Pasqua au conseil général des Hauts de Seine, actuellement Directeur Général de la Police Nationale, nommé par Nicolas Sarkozy.
Nous nous sommes également intéressés à la reprise du conseil général des Hauts de Seine par Nicolas Sarkozy : celui-ci a-t-il fait une  »rupture » avec la politique de Charles Pasqua, son prédécesseur à ce poste ?
En prenant la tête du conseil général des Hauts de Seine, Nicolas Sarkozy a fait un hommage appuyé à Charles Pasqua, et le conseil général lui a fourni une voiture de fonction avec chauffeur, une secrétaire et des bureaux. Nicolas Sarkozy a lancé un audit général du conseil général, mais les conclusions de cet audit sont restées secrètes. D’après ce que nous avons pu lire, la politique de Nicolas Sarkozy n’est pas en rupture avec celle de son prédecesseur, hormis peut-être une baisse des dépenses sociales (par exemple, suppression de 4000 logements sociaux et privatisation de crèches).
Nous nous sommes également intéressés à Coopération 92, une officine du Conseil général des Hauts de Seine créée par Charles Pasqua, citée dans de nombreux ouvrages de l’association Survie pour ses actions  »sulfureuses » en Afrique. Cette Société d’Economie Mixte a officiellement pour objectif de lutter contre les inégalités Nord/Sud. Au moment où Nicolas Sarkozy prend la tête du conseil général des Hauts de Seine, Coopération 92 était dirigée par Yan Guez, un ancien de la SOFREMI (officine de ventes d’armes), touchant 11 000 euros par mois et roulant en 4×4 de luxe de fonction. Les activités de Coopération 92 étaient opaques, aucun rapport sur le contenu et l’évaluation des projets réalisés n’était transmis au Conseil Général. Nicolas Sarkozy a remplacé Charles Pasqua à la présidence de Coopération 92 et lancé un audit financier mettant à jour de nombreuses anomalies financières (emplois fictifs, surfacturations, etc.). Il a cependant reconduit Yan Guez dans ses fonctions, demandant certes davantage de transparence. En juillet 2005, le parquet de Nanterre lance une enquête sur Coopération 92. Nicolas Sarkozy démissionne quelques temps après, officiellement pour des questions d’emploi du temps. L’affaire suit son cours.
Une dernière petite anecdote pour terminer : en mars 2006, Robert Feliciaggi, homme d’affaires à la tête d’un empire des jeux de hasard et des casinos en France et en Afrique, souvent cité dans les ouvrages de François-Xavier Verschave à propos de blanchiment d’argent, a été assassiné en Corse. Nicolas Sarkozy a demandé au préfet d’Ajaccio de participer en grande tenue aux obsèques de Robert Feliciaggi.

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TOUT À L’HEURE, LORS DE L’EXPOSÉ SUR JACQUES CHIRAC, TU NOUS AS PARLÉ DES AFFAIRES ELF, DE L’AFFAIRE DU FINANCEMENT OCCULTE DU RPR, ETC. EST-CE QUE NICOLAS SARKOZY A QUELQUE CHOSE A VOIR LA DEDANS ?

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Attention, terrain miné ! Ce que je m’apprête à dire doit être considéré avec la plus grande prudence. Le nom de Nicolas Sarkozy apparaît dans trois affaires : l’affaire des emplois fictifs du RPR, l’affaire Schuller et l’affaire Elf. Mais aucune enquête n’a été lancée sur les liens entre Nicolas Sarkozy et ces affaires. Donc tout ce que je vais dire n’est pas validé par la Justice française, même si nous serions très curieux que des enquêtes soient menées.

– L’affaire des emplois fictifs du RPR : une permanente du RPR était rémunérée par la mairie de Neuilly sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Etait-ce un cas isolé ? Pourquoi Nicolas Sarkozy n’a-t-il jamais été entendu par la Justice sur ce sujet ?

– L’affaire Schuller : Didier Schuller était le directeur général de l’office d’HLM des Hauts de Seine, membre du RPR, accusé et condamné pour un vaste système de détournement de fonds publics, notamment à des fins politiques. Selon son bras droit Jean-Paul Schimpf, interpellé en flagrant délit alors qu’une entreprise d’assainissement lui remettait une valise de billets pour l’obtention d’un marché public, Didier Schuller finançait des campagnes politiques comme celles de Patrice Balkany, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Là encore, aucune enquête n’a été lancée à ce sujet.

– L’affaire Elf : lorsqu’il a été convoqué par la juge Eva Joly, l’ancien PDG d’Elf Loik Le Floch-Prigent a affirmé avoir abordé le fond du dossier Elf pour préparer sa défense avec de nombreuses personnalités, dont Nicolas Sarkozy, Ministre du Budget à l’époque. Que se sont-ils dits ? Pourquoi Loik LeFloch-Prigent est-il allé rencontrer Nicolas Sarkozy ? Là encore, le mystère reste entier.

– Notons pour finir que Nicolas Sarkozy soutient politiquement Alain Carignon, ancien maire de Grenoble écroué pour une vaste affaire de corruption et d’enrichissement personnel dans les années 80-90, mais qui revient sur le devant de la scène politique grenobloise. On ne peut que déplorer ce soutien politique, surtout pour un candidat à la présidentielle qui affirmait le 3 novembre 2006 sur France Inter : « Je n’ai pas l’habitude de fréquenter des gens qui ont été condamnés par la Justice ».

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francafrik21.jpg Nicolas Sarkozy et Alain Carignon.

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L’heure tourne, il est temps de terminer cet exposé. Je répète que cette présentation est non exhaustive et mériterait de nombreux approfondissements. J’espère cependant avoir apporté quelques précieux éclairages sur le  »bilan africain » de Jacques Chirac et sur nos inquiétudes concernant Nicolas Sarkozy. Je ne peux que vous conseiller de vous plonger directement dans les ouvrages de l’association Survie sur la Françafrique, mais également dans le dossier de 40 pages contenant toutes les sources que nous avons trouvé sur les liens entre Nicolas Sarkozy et l’Afrique. Je vous remercie pour votre attention et votre écoute.

(4) Hormis pour ce qu’on appellera plus tard les Territoires d’outre-mer, comme la Nouvelle-Calédonie, ainsi que quelques points d’appui stratégiques comme les Comores et Djibouti. (5) Jacques Foccart publia ses sulfureuses mémoires politiques deux ans avant sa mort (Foccart parle, Fayard, 1995). (6) Le Journal officiel est le quotidien édité par l’État français dans lequel sont consignés tous les événements législatifs (lois, décrets), réglementaires (arrêtés), déclarations officielles et publications légales. (7) Sept ans de solitude, Eric Halphen,Denoël, 2002 ; Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?, Eva Joly, Les arènes, 2003. (8) Entre 2 et 5% des contrats de nombreux marchés publics étaient détournés et redistribués entre différents partis, RPR en tête (mais également le PS, le PCF, le PR). (9) Deux citations de Jacques Chirac sur le rôle positif de la colonisation : “Je suis fier de l’oeuvre coloniale de la France. Il n’y a que les intello-gaucho-masochistes pour critiquer cela. C’est pourtant une image superbe de la France.” (Jacques Chirac, Libération, 12 mars 1988) “Pacification, mise en oeuvre des territoires, diffusion de l’enseignement, fondation d’une médecine moderne, création d’institutions administratives et juridiques, voilà autant de traces de cette oeuvre incontestable à laquelle la présence française a contribué non seulement en Afrique du Nord mais aussi sur tous les continents. A cet hommage que nous dictent le respect, l’admiration et la reconnaissance, nous joindrons aussi celui que nous devons à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué à la grandeur de notre pays en incarnant l’oeuvre civilisatrice de la France.” (Jacques Chirac, 1996, cité par Le Canard Enchaîné, 08/02/2006). (10) Une citation de Jacques Chirac : « Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler. Si vous ajoutez le bruit et l’odeur, et bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela. » (Jacques Chirac, discours du 19 juin 1991) (11) cf. les deux émissions Là-bas si j’y suis, France Inter, Daniel Mermet, 17 et 18 octobre 2006, émissions téléchargeables sur http://www.la-bas.org (12) document disponible sur demande à survie.isere@netcourrier.com (13) Nous ne parlons pas ici des discours de Nicolas Sarkozy concernant l’immigration. Voici cependant quelques citations : “Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter. […] Au nom de quoi les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne et tant d’autres choisiraient les meilleurs étudiants, les meilleurs travailleurs et nous nous n’aurions le droit de choisir personne pour subir tout le monde. Cette politique, ce n’est pas la mienne.” (Nicolas Sarkozy, cité par LCI, 22/04/2006) “Si Le Pen dit que le soleil est jaune, je ne vais pas être obligé d’arriver en prétendant qu’il est bleu. Personne n’est obligé d’habiter en France. Quand on habite en France, on respecte ses règles. C’est-à-dire qu’on n’est pas polygame, qu’on ne pratique pas l’excision sur ses filles, qu’on n’égorge pas le mouton dans son appartement, et qu’on respecte les règles républicaines.” (Nicolas Sarkozy, TF1, 5 janvier 2007) “Je ne vise pas l’électorat du FN, je l’ai déjà.” (Nicolas Sarkozy, cité par Thomas Lebegue, Libération, 1er juillet 2005) (14) Sur l’horreur de la colonisation, cf. Exterminez toutes ces brutes, Sven Lindqvist, Les arènes, 2007 ; Coloniser, exterminer, O. Le Cour Grandmaison, Fayard, 2005 ; Histoire générale de l’Afrique, Ki Zerbo, Pres. africaine, 2000. (15) cf. documentaire Le prix de l’or, Camille de Vitry, 94mn, 2004. (16) cf. La Françalgérie, Lounis Aggoun, Jean-Baptiste Rivoire, La découverte, 2004. (17) L’abonnement à la Lettre du Continent est de 700 euros à l’année (cf. http://www.africaintelligence.fr)