
Le respect des croyance religieuses, la protection du secret des sources des journalistes et la défense de la vie privée ont été au cœur des débats sur la liberté de la presse, en France, en 2006.
Le 1er février 2006, France Soir a publié douze caricatures du prophète Mahomet précédemment parues dans un journal danois. Suite à cette parution, Jacques Lefranc, président et directeur de la publication, a été limogé par le propriétaire franco-égyptien, Raymond Lakah. Le 6 février, le quotidien a été l’objet d’une alerte à la bombe. La veille, des inconnus avaient déposé un extincteur devant les locaux de Charlie Hebdo, faisant peser la menace d’une explosion. Le 7 février, des organisations musulmanes, dont le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui avaient demandé la saisie du numéro de Charlie Hebdo entièrement consacré aux caricatures, ont été déboutées. Le 10 février, le CFCM a engagé une action en justice contre les journaux français ayant reproduit les caricatures du prophète Mahomet.
Le 19 septembre, la parution dans le quotidien Le Figaro d’une tribune de Robert Redeker, professeur de philosophie, intitulée “Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ?”, a entraîné l’interdiction de ce numéro en Egypte et en Tunisie. Robert Redeker a été placé sous protection de la gendarmerie après avoir reçu des menaces de mort et a dû suspendre ses activités d’enseignant.
Par ailleurs, les lois mémorielles ont contribué, elles aussi, à la substitution de l’idéologie au débat, comme l’a illustré l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi socialiste pénalisant la négation du génocide arménien et prévoyant des sanctions de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ce texte participe à la constitution d’une vérité historique officielle qui s’impose au débat et le clôt, ce qui est contraire à l’idée même de liberté d’expression.
Comme l’année précédente, 2006 s’est caractérisée par la multiplication des poursuites à l’encontre des journalistes dans le but de leur faire révéler leurs sources. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, s’est pourtant engagé lors de ses vœux à la presse à inscrire le principe de la protection du secret des sources dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Mais ceci n’a pas empêché les mises en examen de six journalistes pour “recel de violation du secret de l’instruction” (L’Equipe), “recel de violation du secret professionnel” (Midi Libre) et “recel d‘abus de confiance” (dans le cadre de l’affaire Clearstream, un scandale politico-financier impliquant de hauts responsables de l’Etat). La relaxe prononcée le 14 novembre par le tribunal correctionnel de Paris à l’égard du journaliste Claude Ardid est venue tempérer cette tendance. Dans son jugement, le tribunal a estimé que le journaliste a “pour seule mission, y compris dans les affaires judiciaires en cours, de contribuer à l’information du public. Il ne saurait être inquiété qu’en raison des abus de la liberté d’expression (…) dont il se rendrait coupable (…) mais pas à raison des éventuelles violations de ce secret qui ont contribué à l’information du public.”
Les limites que les autorités cherchent à imposer au travail journalistique prennent parfois l’apparence de la défense de la vie privée des personnalités publiques. Le départ forcé d’Alain Genestar de la direction de la rédaction de Paris Match, en juin 2006, a donné lieu à de vives protestations. Le directeur du magazine a affirmé qu’il avait été sanctionné pour avoir publié en couverture du numéro du 25 août 2005 la photo de Cécilia Sarkozy, l’épouse du ministre de l’Intérieur, à New York et de son compagnon de l’époque. La direction du groupe, propriété d’Arnaud Lagardère, ami de Nicolas Sarkozy, elle, a évoqué un “différend déontologique” pour expliquer ce limogeage.
Enfin, la situation en Nouvelle-Calédonie demeure inquiétante. Les médias y sont souvent pris en otages dans des conflits locaux. La situation à RFO est revenue à la normale en novembre, après huit mois de blocage intermittent. Début septembre, l’imprimerie de l’hebdomadaire Les Infos a été empêchée de fonctionner, puis brièvement en novembre celle du quotidien les Nouvelles calédoniennes. A plusieurs reprises, des journalistes ont été exclus de conférences de presse ou empêchés de filmer.
Source : RSF France – Rapport annuel 2007