Le Sarkopithèque

LE SARKOPITHÈQUE A POUR BUT D’ARCHIVER PUIS DE RECOUPER LES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS RELATIVES AU CHEF DE L’ÉTAT, À SON GOUVERNEMENT ET À LEURS [MÉ]FAITS. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République le 6 Mai 2007, jour de la Sainte-Prudence. Voyons-y un signe, et non un hasard.

Coincés dans un ascenseur avec Sarkozy 14.04.10

Illustration : Chappatte

Nils Minkmar, correspondant du Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung (relayé par Courrier International), pointe l’étrange paradoxe d’un homme qui maitrise les nouvelles technologies de communication et se sent menacé par le plus vieux média du monde, la rumeur.

Dans le cas des rumeurs, la célèbre expression de ­Marshall McLuhan semble particulièrement adaptée : “le médium, c’est le message”. Ironie de l’histoire des médias, Nicolas Sarkozy, ce maître de la télévision en couleur, ce virtuose de l’image électronique qui a fait transformer le site Internet de l’Elysée en un portail vidéo ­entièrement dédié à sa personne, se sent menacé par le plus vieux médium de France : la rumeur. Et il a réagi comme un seigneur des temps anciens qui enverrait ses chevaliers bardés de fer lutter contre une invasion de sauterelles.

C’est un cousin français, que l’on ne peut pas vraiment considérer comme bien informé, qui m’a transmis la rumeur. “Tout le monde” à Paris parlerait d’un adultère parallèle, m’a écrit mon cousin : le président tromperait son épouse avec sa secrétaire d’Etat à l’Environnement, et Carla Bruni, elle, le tromperait avec le chanteur Benjamin Biolay. Mon cousin m’a raconté cela en janvier. A l’époque, personne n’avait couché la rumeur sur papier. A quoi bon ? La rumeur se suffit à elle-même. On la veut toute chaude, livrée personnellement par le bouche à oreille. Le scandale, c’est comme la photo d’une part de tarte : propre, précise, mais bien loin du vrai plaisir. Quant à savoir si la rumeur est effectivement fondée, on finira bien par l’apprendre un de ces quatre. Lancée à pleine puissance, une rumeur parisienne a en tout cas des implications symboliques et politiques qui sont tout sauf inoffensives. Nombre de livres ont été publiés par des spécialistes de l’histoire culturelle comme Robert Darnton et Arlette Farge, qui montrent comment les rumeurs de la capitale ont pu saper la loyauté envers la monarchie longtemps avant la révolution française de 1789. A l’époque moderne, Giscard, en particulier, a souffert de l’histoire des diamants africains. La rumeur a fait basculer l’image que l’opinion publique avait de lui. Brutalement, il a semblé dépassé, son avenir était désormais derrière lui.

Le médium de la rumeur est surtout efficace dans le camp de la droite, où l’on aime les présidents inaccessibles, qui peuvent être admirés tandis qu’ils s’occupent de leurs affaires tout en haut, au sommet de l’Etat, en laissant tranquilles leurs concitoyens. Lesquels ont déjà bien assez d’ennuis comme ça – pas la peine de partager en plus ceux du chef de l’Etat. Quand on s’entretient ces temps-ci avec des policiers et des commerçants en province, ils secouent la tête dès que le nom de Sarkozy est mentionné. Que l’on tombe partout sur des photos de la première dame nue est déjà pénible pour beaucoup de ses partisans. Qu’il ne se maîtrise toujours pas, qu’on le voie tout le temps à la télé, ça énerve aussi. Depuis plusieurs jours, la France a l’impression d’être coincée dans un ascenseur avec Sarkozy.

Le président a une tendance néfaste à confondre la vérité et sa représentation médiatique, ainsi qu’à se tromper de combat. Alain Genestar, ancien rédacteur en chef de Paris Match, a décrit dans un livre comment, en 2006, il avait perdu son poste à la suite de pressions de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Il avait publié en une de sa revue une photo de Cécilia, épouse de Sarkozy à l’époque, en compagnie de son nouvel ami Richard Attias. “Tu m’as fait beaucoup de mal avec ça”, lui aurait dit Sarkozy au téléphone, comme si le cliché volé du couple était la cause de la liaison, et non sa conséquence. Ne pas publier le cliché n’y aurait rien changé. Pourtant, Genestar a perdu son emploi. Et, Richard Attias, aujourd’hui époux de Cécilia, se plaint que sa société, qui organise des galas et des sommets, ait perdu tous les marchés publics – non seulement avec Paris, mais aussi avec les Etats africains et arabes favorables à la France.

Dans le cas d’une rumeur, ce genre de vengeance est impossible. Cela n’a pas empêché Sarkozy d’essayer, d’où la pire crise de réputation de sa présidence. Ces malheurs sont personnifiés par Pierre Charon, son comparse et conseiller médiatique. Ce dernier a fait part à des journalistes de la fureur du président, le tout en termes belliqueux et cinglants, affirmant entre autres que toute l’affaire masquait un “complot international” de la finance, que la rumeur était considérée comme un “casus belli” et que l’on veillerait à ce que la peur “change de camp”. Un discours digne d’une cour de récréation, au lendemain de la diffusion d’un film sur la mafia à la télévision. Il est inquiétant de constater que l’entourage du président affirme disposer de preuves que Rachida Dati serait à l’origine de la rumeur. Citons Charon à ce sujet : “Voilà ce qui arrive quand on s’attaque à la Firme !” Charon et quelques autres, qui comme lui ne seraient rien sans Sarkozy, aiment se surnommer “la Firme”, ils ont tiré ça du roman de John Grisham [La Firme, 1991]. Puisque Charon parlait de preuve, on a pu penser que “la Firme” détenait plus que des témoignages ou que le téléphone de la politicienne, aujourd’hui députée européenne, avait été mis sur écoute. Sarkozy aurait ainsi suivi les traces de ses prédécesseurs. Cherchant à contrôler les rumeurs parisiennes sur sa fille adultérine, François Mitterrand avait fait placer sur écoute des journalistes, puis des amis au sein de son parti, puis de belles actrices, et pour finir près de la moitié de la ville. Mais il n’avait pas réussi à empêcher que circulent des rumeurs qui reflétaient la vérité.

Pendant que Paris perdait peu à peu la tête, Sarkozy est apparu sur son portail vidéo. Tout en noblesse et en distanciation, sur un plateau enneigé de Savoie où, le 8 avril, il a rendu hommage à Tom Morel, héros de la Résistance. On aurait dit une scène issue d’un rêve étrange. Dans un paysage de neige immaculée, Sarko marchait entouré de sapins, seul, détonnant avec son manteau bleu et ses chaussures de ville. De temps à autre, il haussait les épaules. “Les femmes, ça a toujours été son talon d’Achille. Mais il ne faut pas croire qu’il est fini. Il va reprendre le dessus. Même seul, parce que le spectacle doit continuer”, explique quelqu’un qui le connaît depuis plus de trente ans.

La seule chose que Sarkozy ne puisse pas faire, c’est se tenir à l’écart des médias et s’occuper de son “labyrinthe intérieur”, selon l’expression de son rival Dominique de Villepin, ce qui pourrait pourtant protéger son mandat du ridicule. Sarkozy en est convaincu, ce dont les médias ne parlent pas n’existe pas. Qu’adviendra-t-il de lui si c’est le Premier ministre que l’on voit sur tous les écrans ? Alors, il oscille devant des milliers de ­caméras entre les fantasmes de la ­toute-puissance et les angoisses de l’impuissance, il vocifère toujours plus contre les murmures dans l’opinion publique et pervertit l’Etat et les médias d’une nation pour en faire la thérapie de groupe d’un seul homme.

 

Caisses vides, sauf pour les protégés de Carlita 16.04.08

Grâce à « Carlita », Pierre Charon, membre du Conseil économique et social et élu de Paris, fait son grand retour à l’Élysée comme conseiller de Nicolas Sarkozy. Bénéficiant de l’amitié du couple présidentiel et de quelques… privilèges, qui font grincer quelques dents.

Charon ne figure pas dans l’organigramme officiel de la présidence de la République : membre du Conseil économique et social et élu de Paris, il ne peut juridiquement cumuler toutes les fonctions. Il dispose toutefois d’un bureau au Château, juste à côté de sa protectrice « Carlita », et d’un strapontin à la réunion quotidienne de 8h30, celle qui réunit les douze conseillers les plus influents autour de Sarko Ier. C’est dans cette enceinte que la plupart des grandes décisions se prennent.

Sarkozyste historique, banni du premier cercle par Cécilia (qui le trouvait trop intriguant), avant de revenir triomphalement dans les bagages de Carla Bruni, trait d’union de Sarkozy avec les milieux du showbiz et des médias, maniant avec facilité l’info et l’intox, Pierre Charon est, avec Carla et ses amis, comme un poisson dans l’eau.

Question com’, la Première dame ne jure que par lui et renvoie toutes les demandes de rendez-vous et d’interview à ce nouveau conseiller élyséen, qu’elle a rencontré dans sa période showbiz. « Vous voulez me voir ? Passez par Pierre », serine-t-elle. Un spectaculaire retour en grâce pour celui qui était tricard il y encore quelques semaines !

Longtemps frustré des petits à-côtés du pouvoir, l’ancien balladurien n’a pas hésité à pousser son avantage en réclamant quelques gratifications supplémentaires. D’abord l’octroi d’une Velsatis avec chauffeur et gyrophare (vanité, quand tu nous tiens…). Ensuite la possibilité de faire appel ponctuellement à un maître d’hôtel pour son usage personnel à l’Élysée. Avantages accordés !

Source : Bakchich