Un rapport critique lourdement le ministère de l’intérieur dans un dossier de violences policières présumées.
C‘est un rapport paru au Journal officiel, dimanche 18 janvier, qui serait un peu passé inaperçu si l’avocat-blogueur Maître Eolas ne l’avait pas repéré. En quatre pages, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) critique lourdement le ministère de l’intérieur pour n’avoir engagé aucune procédure disciplinaire contre deux policiers qui auraient passé à tabac un ressortissant turc en voie d’expulsion à l’aéroport de Toulouse, le 15 mars 2006.
Chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, cette autorité administrative indépendante avait reçu le témoignage d’un voyageur présent lors des faits présumés. Dans sa lettre, ce voyageur – nommé M. P. D. dans le rapport – assure avoir vu “un homme à terre, immobile (…), en souffrance, (…) qui n’oppose aucune résistance”, recevoir “des coups de pieds espacés” de la part d’un policier, à l’entrée du couloir d’embarquement de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. “Entravé les mains dans le dos, il n’a pas la possibilité de se protéger” continue le témoin, selon lequel la scène aurait en tout duré trois minutes, avant qu’un attroupement mette finalement fin aux actes des policiers.
La CNDS dresse ensuite la liste des nombreux obstacles qu’elle a rencontrés dans son enquête. Les deux policiers mis en cause ont refusé d’être entendus, avec le soutien de leur supérieur hiérarchique. Ils estimaient que les faits avaient été “définitivement jugés”, lorsque la cour d’appel de Toulouse avait “condamné le ressortissant turc F. A. pour refus de se soumettre à une mesure d’éloignement et violences à agents de la force publique”, le 19 juillet 2006. Mais pour la commission d’enquête, cette condamnation ne peut être retenue pour disculper les policiers dans la mesure où les violences présumées auraient eu lieu dans l’enceinte de l’aérogare, “plusieurs minutes” après la tentative d’embarquement.
LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE ÉGALEMENT CRITIQUÉ
Mais les abus des policiers ne s’arrêterait pas là, selon la CNDS. M. P. D. aurait subit des “pressions morales” de la part des forces de l’ordre. Deux jours après leur convocation, les policiers auraient déposés plainte pour “dénonciation calomnieuse”. A la suite de cette plainte, M. P. D. avait accepté de signer un accord avec le procureur de la République qui prévoyait un classement sans suite en échange “d’une lettre d’excuses et d’un versement d’une somme d’argent aux deux fonctionnaires”. Dans ce cas précis, la CNDS reproche au ministère de la justice de n’avoir pas délocalisé le traitement de cette plainte à Paris, ce qui aurait pu éviter ce type de pression.
En ce qui concerne le ministère de l’intérieur, la Commission lui reproche de n’avoir lancé aucune procédure disciplinaire contre les policiers mis en cause. Dans sa réponse, Michèle Alliot-Marie affirme que l’enquête de la police des polices n’aurait permis d’imputer “aucun élément de faute professionnelle ou déontologique aux policiers mis en cause, (…) les deux policiers ayant usé de la force strictement nécessaire”. Cette version est contestée par la commission qui assure que son “analyse des faits est solidement adossée au témoignage d’un tiers et aux constatations médicales” réalisées le jour même à l’hôpital.
En conclusion, la CNDS regrette que son enquête “n’ait même pas donné lieu à des observations écrites aux deux fonctionnaires mis en cause et à leur supérieur hiérarchique, alors qu’ils ont tenté à plusieurs reprises (…) de faire obstacle à l’exercice des missions de la Commission”. Le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice n’ont pas souhaité commenter ce rapport, se contentant de renvoyer aux lettres adressées à la Commission. “Dans ce dossier, il y a une volonté d’obstruction”, confie de son côté au Monde.fr une responsable de la CNDS, qui préfère rester anonyme. “Cette publication au Journal officiel était notre dernière possibilité, nous, on ne peut plus rien faire.”
Article : Jean-Baptiste Chastand, Le Monde 20.01.09 I Illustration Otto T.